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Fabrique du poème
L’auteur suit la trace d’un écrivain qui fonda les éditions Orange Export Ltd., passait aisément les frontières et aimait à la fois la poésie américaine, le polar, les “Remarques” du philosophe Wittgenstein et la ville de Tanger où il avait passé son enfance. Son dessein est de prouver que l’écrivain dérobait des formes littéraires pour les transformer, tendait à l’hybridation des genres et s’intéressait aux processus par lesquels l’écriture poétique consigne notre rapport au monde.
Tiberghien chemine comme un enquêteur à travers une œuvre littéraire poétique incontournable, révélant le réseau de liens qui la connectent à des dizaines d’autres auteurs, des contemporains aux classiques, poètes, philosophes ou auteurs de polars.
La seconde partie fournit des pièces à conviction en offrant un large choix d’extraits de livres d’Emmanuel Hocquard et d’entretiens. Elle donne à lire entre autres les élégies, forme poétique traditionnelle dont l’écrivain renouvela le rythme et la signification.
Souvent les poètes eux-mêmes, usant du langage dans le registre du critique et sans prétendre traduire leur poésie en prose, nous ont livré leur « art poétique » sous une forme ou sous une autre à un moment où ils éprouvaient le besoin de le formuler pour eux-mêmes d’une façon explicite. Ces textes, qui peuvent avoir des allures de préceptes, nous fournissent en fait les règles a posteriori que les poètes tirent de leur propre pratique. Certains, pour ce faire, se livrent à une analyse critique d’autres poètes, essayant d’élucider en même temps ce qui anime fondamentalement leur rapport à la poésie : T. S. Eliot, Wallace Stevens, Octavio Paz et Yves Bonnefoy ne font pas autrement, en un sens, même si chacun le fait à sa manière. Emmanuel Hocquard s’inscrit dans cette lignée mais, à la différence de ceux que je viens de citer, son travail réflexif est immédiatement en prise sur son écriture et s
LIRE PLUSapparente davantage à une poïétique au sens où l’entendait Paul Valéry, un travail qui résulte directement de son activité d’écriture et n’a d’autre objet que son élaboration même.
Comme Paul Valéry, Emmanuel Hocquard s’intéresse au processus de production de la poésie et à la fabrique du poème dont Edgar Poe nous a livré une analyse qui rompt définitivement avec le motif de l’inspiration et avec l’aura sacrée dont la poésie romantique s’était entourée. Cette interrogation constante sur le langage et sur les règles de son organisation devait, semble-t-il, le conduire à regarder du côté de la philosophie.
L’œuvre d’Emmanuel Hocquard peut être placée sous le signe de l’enquête. C’est le parti-pris de Gilles A. Tiberghien dans Emmanuel Hocquard – Une enquête en poésie.
Associer Hocquard et l’enquête n’est pas simplement dû au fait que celui-ci est l’auteur d’Un privé à Tanger, ou de son goût pour les polars. Lire son œuvre à partir de la figure de l’enquêteur permet d’installer un point de vue qui implique que la poésie, l’écriture, le rapport au monde sont d’abord des énigmes, des réalités étranges, dont le sens, les contours, les finalités ne sont pas immédiatement saisissables, qui demandent au contraire une interrogation, une problématisation, une recherche.
La poésie, l’écriture, le monde ne sont pas des objets évidents, immédiatement disponibles, ils sont dans une distance, … (clic sur le lien pour lire la suite)