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Djinn John

par David Lespiau

Colorimétrie mentale 2

Suite de Djinn jaune, dont il poursuit la numérotation des sections en commençant par (5), Djinn John personnifie peut-être la fiction colorimétrique du poème. Un foisonnement de références — cinématographiques, littéraires, scientifiques — se mêle subtilement aux observations du quotidien pour sous-tendre l’ensemble de cette écriture au scalpel. En peu de mots David Lespiau nous transmet une intense réflexion, comme une fleur de papier comprimée qui va se déployer lentement et longtemps dans nos esprits.

Parution :
Thématiques :
Extrait :

5

Progresse par strates ou trames composites
par sélection, énonciation
de ses éléments compose des trames propres
vers par vers

travail d’énonciation de données qui se sauvegardent
par l’image
film qui happe le son, résidu

recommence à élaborer son calque
feutré, faillible, froissé

une affaire de jour intérieur

la douceur appliquée à la lueur imaginée
d’untel (John ?) presque
incalculablement.

6

Solaire simple
jeu autour des doigts liquides

les volets sont fermés. Plan d’eau mental
doigts passés dans la boucle des cheveux
bizarre comme jaunir prend de la place (distingue
entre)
toutes les minutes
sous les images (des articulations possibles
)
au même moment. Plan de lymphe vertical

la somme des terreurs dans un filet
prolifère par masses de neige

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pas de forme fixe aux mirages
dis-tu.

7

La fiction alimente le récit machinalement
grammatise, dramatise
par agrandissements successifs jaunes
de la mémoire
écartant la couleur de ses bords

du temps mental, une maison. L’enfermement
renversé, le mutisme vocalisé

déluge. Comptoir sur une barque rouillée.
Dans le corps
drap, carcasse, écoulements, aboiements et jardin,
carrés de bois, nain, main et
face à la mer
toute l’urine inversée en pluie

dans le soleil liquide, électrique
phrases plus longues — application de feutre
(figurine de timbre dans une chambre gonflable
(agrandissement
de singes)). Douceur de la neige, pellicule de graisse
entre silhouette humaine et impacts de balles
traçantes. Un film
sorti des usines de la lumière. Nuée de signes —
geste
d’une partition de pauses (

grilles — virgules, voyelles. Passage en 3D de
fiches volantes (viennoises)). Séances de notation
au clavier
par série de réveils composée de cycles de pronoms
(roman familial exponentiel). Et ce
en toute confiance somnambulique

plaques (américaines) au voile photographique,
chimique
volumes — phrases d’un mot, modules —
liquides de
verrière. Lumière : eau or, bois et soleil qui éblouit
(une
minéralisation de la grammaire)

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À propos de l’auteur

Auteur et traducteur, David Lespiau est né en 1969 à Bayonne. Premiers textes publiés en revue à partir de 1996, puis chez plusieurs éditeurs à partir de 2002 ; une vingtaine de livres publiés depuis. Il a co-dirigé la revue Issue autour de la poésie américaine et s'est engagé dans un travail de lecture critique, notamment pour la revue CCP. Il poursuit plusieurs axes de recherche et d’écriture autour de la poésie et du récit.

Bibliographie

  • équilibre libellule niveau, P.O.L, 2017Carabine souple, L'Ours Blanc/ Héros-Limite, 2016 • Récupération du sommeil, Héros-Limite, 2016 • Nous avions, Paris, coll. "L'Estran", Argol, 2014 • Notes pour rien, Contrat maint, 2014 • Poudre de la poudre, Le bleu du ciel, 2014 • Notes de production, Contre-mur, 2013 • Aluminium, poème Rauschenberg, Argol, 2012 • L'intérieur du jour, Head, 2012 • Un conte (version galicienne : Emilio Araúxo), Amastra-n-gallar, 2013 • 70 je piqués de biais, Lnk, 2013 • 27 réponses, Lnk, 2013 • Nocturne, D-fiction, 2012 • Djinn John, coll. Spoom, L’Attente, 2011 • Férié, postface d’Emmanuel Hocquard, Les petits matins, 2010 • Ouija-Board (version américaine : Cole Swensen ; version allemande : Cosima Weiter) avec des collages de Tom Raworth), Héros-Limite Genève, 2009 • Oh un lieu d’épuisement, Contrat maint, 2009 • Peliqueiros (version galicienne : Emilio Arauxo), Amastra-N-Gallar, 2009 • Scan de felo (version galicienne : Emilio Arauxo), Amastra-N-Gallar, 2008 • Supplément Celmins, Little Single, 2008 • Djinn jaune, coll. Spoom, L’Attente, 2008 • La fille du département Fiction (carnet Hawaii), L’Attente, 2007 • [or est un mot minuscule], coll. "Vade-Mecum", L’Attente, 2006 (H.C.) • Quatre morcellements ou l'affaire du volume restitué, Le bleu du ciel, 2006 • De l'électricité comme moteur, L’Attente, 2006 • La poule est un oiseau autodidacte, L’Attente, 2005 • Réduction de la révolution la nuit, Contrat maint, 2005 • Spirit II, Contrat Maint, 2004 • Autocuiseur, coll. "Vade-Mecum", L’Attente, 2004 (H.C.) • L’Épreuve du Prussien, Le bleu du ciel, 2003 • La poursuite de Tom, Farrago / Léo Scheer, 2003 • La Mort dans l’eau l’âme download (85 polaroïds de plage), Spectres Familiers, 2003 • Opération Lindbergh, Contrat maint, 2002 Parus en catalogues, ouvrages collectifs, anthologies, revues • Jean-François Bory, L’apocalypse de Gutenberg, français/italien, Fondation Berardelli, 2008 • Jean-Luc Parant, L’évasion du regard, Médiathèque Voyelle, 2009 • Poem, Poets on (an) Exchange Mission, français / américain, Fish Drum, New York, 2009 • Textes de création parus dans la Revue de littérature générale n° 2, If  n°14 & 21, Action poétique n°156, Le Cahier du Refuge n°80, Les cahiers de l'Institut d'études Poétiques, Action restreinte n° 2, Hypercourt n° 1, Issue n° 1 à 5, Amastra-N-Gallar n° 13, Fin n° 21, Le Bout des Bordes n° 9/10, Java n° 25/26, Nioques n°3 (3e série), Espace(s) n°4, D’ici là n°1 & 5, Fondcommun n° 1... Participation aux ateliers de traduction collective des poètes américaines Joan Retallack, Kristin Prevallet, Elizabeth Willis (cipM / Un bureau sur l’Atlantique, 2002 à 2007). Traductions pour If n°16 (Reznikoff). Traduction de Light travels, Keith & Rosmarie Waldrop, L’Attente, 2006 Textes critiques parus dans les revues CCP (n°1 à 21), Cinéma n°10, Amastra- N-Gallar n°8 & 12, Critique n°735-736 et Ent’revues n°42.


Le bébégaiement du beau Beaubourg

par Michelle Grangaud

Couverture d’ouvrage : Le bébégaiement du beau Beaubourg
Fiche technique :Prix : 7,00 € EUR
ISBN : 978-2-36242-006-1
Taille : 14,50 x 20,00 cm
Pages : 28

Révélation linguistique hallucinatoire

Le bébégaiement du beau Beaubourg a été initialement publié en 2001 dans la collection Week-end aux éditions de l’Attente.

Parution :
Thématiques :
Extrait :

Canton, Canton, quand on entre dans la bible, dans la bibliothèque parmi les preux, parmi les premiers, ce qu’on voit d’abord c’est la lu, la lumière du jour. La lumière du jour contient la lecture qui contient le monde qui contient la lumière du jour, comme dans les paires, les performances de Bernard Heidsieck où la lecture orale contient la lecture écrite et récit et réciproquement.

Il y a de grandes tables gris pâle dans la bibliothèque. Quand on arrive à leur douve, à l’heure d’ouverture, les tables sont vides et prêtes en même temps pour les voies, les voyages qu’on va faire là ; les tables sont comme des ponts qui joignent des bords opposés et pourtant contes, contigus.

Critiques :Éric Suchère dans CCP n°4 a écrit:

Un bégaiement qui se marque clairement comme artificiel pour jouer avec et sur des mots qui font dériver le sens du récit vers quelque chose de totalement improbable, qui ne provient que de la langue, que de la proximité phonétique, donc d’un arbitraire total ou quasi. Michelle Grangaud, grâce à ce mécanisme de précision du marabout de ficelle amélioré, transforme une journée en une révélation linguistique hallucinatoire.

Bruno Fern dans POEZIBAO a écrit:

Traversée non seulement par les livres mais aussi par les « bouts ces bouffées du monde extérieur », la bibliothèque apparaît alors telle une vaste chambre d’échos que le bégaiement souligne à sa manière, un lieu multidimensionnel...


À propos de l’auteur

« Née en 1941 à Alger (où la vue quotidienne des effets horribles de la colonisation m'a inspiré une passion, définitive et sans réserve, pour l'égalité sous toutes ses formes et dans toutes les circonstances, dans la vie courante comme dans les pratiques d'écriture) et vivant depuis 1980 à Paris (ville que j'ai aperçue pour la première fois à douze ans, qui m'a séduite d'emblée, et durablement ; dans l'enfance, c'étaient les cafés, qui m'attiraient, je les trouvais magnifiques et il me semblait qu'on pouvait y mener une vie palpitante - maintenant, la même chose avec les bibliothèques -). Comme dit Baudelaire, il faut toujours être ivre, etc., sauf que la vertu n'a jamais été ma tasse de thé. »
Élue membre de L'OUvroir de LIttérature POtentielle [l'Oulipo] depuis 1995, elle est spécialiste des anagrammes, auxquels elle a consacré plusieurs ouvrages, et des palindromes. Elle a créé la contrainte sexagrammatine et l'« avion » (abréviation de « abréviation »). Ses contraintes de prédilection font intervenir les lettres et les nombres, mais certains ouvrages, comme État civil, fonctionnent également sur l'inventaire et la manipulation.

Bibliographie

- Le bébégaiement du beau beaubourg, (réédition), L'Attente, 2011 - Les Temps traversés, P.O.L., 2010 - Calendrier des fêtes nationales, P.O.L., 2003 - Le bébégaiement du beau beaubourg, collection "Week-end", L'Attente, 2001 - Calendrier des poètes, P.O.L., 2001 - Souvenirs de ma vie collective, P.O.L., 2000 - État civil, P.O.L., 1998 - Poèmes fondus, P.O.L., 1997 - On verra bien, éditions Guère épais, 1996 - Jours le jour, P.O.L., 1994 - Geste, P.O.L., 1991 - Renaîtres, Ecbolad, 1990 - Stations, P.O.L., 1990 - Mémento fragment, P.O.L., 1987 Dans la bibliothèque Oulipienne - Millesimes II, 2011. - Millesimes, 2011. - Un voyage divergent, 2001 - Une bibliothèque en avion, 1999 - hahaôahah, 1998 - Oulipo fondu, 1997 - D'une petite haie, si possible belle, aux Regrets, 1995 - Les formes de l'anagramme, 1995


Le léopard est mort avec ses taches

par Marie Borel

Couverture d’ouvrage : Le léopard est mort avec ses taches
Fiche technique :Prix : 7,00 € EUR
ISBN : 978-2-36242-005-4
Taille : 14,50 x 21,00 cm
Pages : 20

Fourrure polymorphe

Avec Le Léopard est mort avec ses taches, on est devant – ou dans – une suite d’énoncés qui s’enchaînent comme les phrases d’une narration, mais dont la succession est imprévisible. Cela donne un superbe récit, tendre et facétieux, à partir d’énoncés ordinaires, « les phrases des autres » dit Marie Borel, les phrases de tout le monde comme l’Autobiographie de tout le monde de Gertrude Stein, transcrites, re-citées, réagencées.
(Emmanuel Hocquard)

Parution :
Thématiques :
Extrait :

Félin, fourrure polymorphe, chasse à l’affût surtout la nuit, attaque foudroyante, n’hésite jamais ne laisse aucune chance à ses victimes, peut être dangereux. Rapide léger cent kilomètres à l’heure. Mammifère carnassier indomptable des régions tropicales, pelage jaune tacheté de noir, rien à voir avec le guépard, gattopardo, gatto chat, pardo léopard, facile à apprivoiser près du Cap de Bonne Espérance, lui aussi court très vite (pointes à cent dix) mais s’épuise rapidement, le léopard donc, leo lion, pardus panthère, fourrure épaisse et rase, noir jaune noir jaune, yeux étincelants museau court, marche seul, n’écoute que son courage, a la beauté, il est présent mais personne ne le distingue [Attente : flotter / louvoyer, catégories]

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Tous les félins se ressemblent par le naturel quoi qu’ils soient très différents. Pour la grandeur et par la figure. Le guépard chasse en plaine. Proie favorite : la gazelle de Thomson. Le puma ainsi nommé par les indiens incas, est maintenant dans les Amériques traité de tous les noms : ocelot / caracal / lion mexicain / cougouar / tigre cervidé / panthère / amar / serval / margay / chat démon / felis concolor. Bout de la queue noire comme les rayures qui vont de sa bouche aux yeux, petite tête ronde, tache noire au dessus des yeux, quatre orteils, griffes rétractiles, c’est le grand et gracieux félin nocturne arboricole sans taches ronronnant d’Amérique. Le destin du puma est un mystère, les officiels de la vie sauvage là-bas, dans les allées de citronniers en Pennsylvanie, croient qu’il a choisi de disparaître comme les pigeons voyageurs.

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Critiques :Claude Chambard dans Lettres d’Aquitaine a écrit:

Le léopard a des taches de la même couleur que le fond du poil mais cernées de noir, ce qui le différencie de la panthère. Le léopard d’Aquitaine ne ronronne qu’au moment de la mort. Il est souple, versatile et boit du bourbon. Tout ceci est absolument exact bien que rien ne soit vrai, écrit Marie Borel. C’est une suffisante raison pour lire son léopard qui vit sa deuxième vie – et on lui en souhaite beaucoup d’autres – à partir d’aujourd’hui.


À propos de l’auteur

Marie Borel voyage écrit lit traduit.

Bibliographie

Des questions singulières, éditions Renard bleu, Suisse, 2019 • Loin, L’Attente, 2013 • Le Léopard est mort avec ses taches, (nouvelle édition) L’Attente, 2011 • Écrit sur du sable, contrat maint, 2008 • Le monde selon Mr Ben, Fage, 2008 • Priorité aux canards, L’Attente, 2008 • Tombeau des Caraïbes, contrat-maint, 2003 • Trompe-Loup, Le bleu du ciel, 2003, traduit en anglais par Sarah Riggs et Omar Berrada (Wolftrot, La Presse, 2006) • Le Léopard est mort avec ses taches, L’Attente, collection Week-end, 2001 • Fin de citation, cipM, 1995, traduit en anglais par Keith Waldrop (Close Quote, Burning Deck, 2001) /// TraductionsL'indien jamais n'a eu de cheval, Etel Adnan, Galerie Lelong, Paris, 2022 • Murmurations, Sarah Riggs (collaborated with Jérémy Victor Robert), Apic, série “Poèmes du Monde” dirigée par Habib Tengour, Algérie, 2021 • Là-bas, Etel Adnan, avec Françoise Valéry, L'Attente, 2013 • La revanche de la pelouse, Rosmarie Waldrop, avec Françoise Valéry, L’Attente, 2012 • Journal d’un Ange Sadomaso, Lisa Jarnot, avec Pascal Poyet, contrat maint, 2011 • Un cas sans clef, Rosmarie & Keith Waldrop, avec Françoise Valéry, L’Attente, 2010 • 43 Post-it, Sarah Riggs, avec Françoise Valéry, L’Attente, 2009 • Chansons du chien noir, Lisa Jarnot, trd collective, Format américain, 2005 • Pelouse du tiers exclu, Rosmarie Waldrop, Format américain, 2001 • Prétense, Tom Raworth, La Tuilerie Tropicale, 1988 Traductions parues en revue de Lyn Hejinian, Nancy Khul, Gertrude Stein, Charles Reznikoff  et de  cinq livres de la Bible dans le cadre du projet collectif La bible : nouvelle traduction, Bayard, 2001


Tout cordonnier

par Isabelle Jelen

Couverture d’ouvrage : Tout cordonnier
Fiche technique :Prix : 6,50 € EUR
ISBN : 978-2-36242-011-5 prix public : 6,50 €
Taille : 13,50 x 12,50 cm
Pages : 32

Fiction du quotidien

Dès les premières lignes c’est une plongée dans la langue, dans le parler pléthorique d’un cordonnier. L’homme, drôle et coquin, s’ouvre comme un livre sur sa vie et celle de son entourage, parle généreusement de son métier comme de ses clients, les bons et les mauvais… Dans ce monologue fidèle à l’accent portugais, la syntaxe hybridée s’auto-dynamise et n’a rien à envier à la poésie contemporaine.

Parution :
Thématiques :
Extrait :

bon         en parlant de ça des chaussures          maintenant c’est la vie privée          vous savez que je vous aime tous          oui          ah oui ah oui ah oui ah oui          à l’époque je suis d’une famille de cordonniers          une famille          nous sommes à peu près une cinquantaine à travailler dans la chaussure j’en ai une soeur qui est très très très spécialisée en couture dans une grande usine i elle est en première qualité          et moi je suis aussi en          je suis aussi un ouvrier très spécialisé         i j’en ai mon père qui était cordonnier mon arrière grand père qui était cordonnier mon arrière arrière grand père qui était cordonnier         tout le monde          nous sommes une famille tout cordonnier

À propos de l’auteur

Isabelle Jelen vit et travaille à Bordeaux. Elle est aussi connue sous les noms de Isabelle J., Lise Helen Jabel, Rubia Jelen, Lisa Beljen et réalise, selon le goût du jour, des vidéos, des livres, des performances, des images, alimentés par le quotidien. Co-fondatrice de l’association Cuisines de l’Immédiat avec Françoise Valéry et Franck Pruja, ses travaux découlent le plus souvent de rencontres et de collaborations. Elle fait partie du collectif Yes Igor.

Bibliographie

- Tout cordonnier, L'Attente, 1998 ; rééd. 2011 - Mon savoir, L'Attente, 2007 - Huit mains dans le panier, avec Monsieur Gadou, Franck Pruja & Françoise Valéry, cipM / Spectres Familiers, 2005 - Marche Mars, coll. Livre-poster, L'Attente, 2004 - Nouvelle Coiffure, coll. Livre-poster, L'Attente, 2003 - Collection particulière, L'Attente, 2002 - Viennoiserie, Patin & Couffin, 2001 - La meilleure manière de partir, L'Attente, 1999 - Au quotidien, (sous le pseudonyme de Lise Helen Jabel), coll. "Week-end", L'Attente, 1999 - Carnet de Bal, coll. "Week-end", L'Attente, 1998


Cartographie Cherokee

par Diane Glancy

Couverture d’ouvrage : Cartographie Cherokee
Fiche technique :Prix: 11,50 €
ISBN : 978-2-36242-004-7
Taille : 14,50 x 20,00 cm
Pages : 102

Volée de flèches

Dans la poésie de Diane Glancy, vers libres ou prose poétique, l’énergie est le dénominateur commun. Ses mots avancent implacablement. Jamais larmoyants, parfois drôles et mordants, ils donnent une voix à ceux que l’on n’écoute jamais. Depuis les marges elle essaie de trouver les paroles que des personnes, ou bien des créatures, exclues, prononceraient. Diane se place souvent à l’intersection de l’ancien monde et du nouveau, observe ce qui s’y passe, rapporte des fragments entendus. Dans cette exploration poétique de l’histoire et de la spiritualité des Cherokee, les différentes sections transportent de l’intimité du quotidien à des récits plus larges de colonisation et de résistance: la relation avec le bison, les conséquences des pensionnats, la perte de territoire et la destruction d’identité. Mémoire personnelle, mythes anciens et réalités contemporaines créent une méditation sur le passé et le présent des peuples autochtones. Les images riches et évocatrices emmènent le lecteur dans un monde complexe et souvent douloureux, mais aussi rempli de beauté et de courage.

Lecture d'un extrait par la traductrice

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Extrait :

Asile dans les plaines herbeuses

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Médecine du Bison je veux parler bison. C’était un jour pour honorer. Le troupeau marchait dans les grandes plaines. Cette façon qu’avait la horde de marcher. Des petites bandes d’Indiens suivaient. La façon dont ils dépendaient de nous. Comment nous habillions leurs corps. Remplissions leurs estomacs. Fournissions les peaux pour leurs tipis. Nous leur parlions souvent. Grognions un langage qu’ils comprenaient. Rien que nous ne leur ayons pas donné. Mais à présent on nous prend nos prairies. Nos fauteuils de jardin et nos terrains. Débandade vers l’autre monde. Le feu du conseil nous appelle au paradis. Le Grand Esprit parle par le canon des fusils des soldats. Ils tirent depuis les trains qui passent. Certainement l’Amérique était faite pour nous. Souvenez-vous comment nous nous délections. Décidions de la manière de fondre sur la prairie, le vent à nos oreilles. L’esprit pur dans nos larges têtes. Noble le Grand Esprit quand il parlait. Yo. Nous étions siens. Nous meuglions ses prières. Son vouloir ronfler et vagabonder. Nos veaux grandissaient au sein de notre force. Nous étions rois. Nous acceptions la mort. Nous nous sacrifiions pour les Indiens. On nous appelle Grand-mère bison. Señorbuffalo. Mon duc buffalo. Herr Burgermeister Büffel. Bison le sauveur. L’universel bison. Certainement le Grand Esprit fut fait à notre image. Touchez-nous et vous verrez la face de Dieu. Nos têtes furent des anges tombés dans les prairies. Touchez-nous et vous entendrez le grognement de Dieu. Certainement les anges chantent notre chant de la rumination. Ho ii yo. Les nuages grondent au-dessus de nous. Les courants suivent. La terre entière chante pour nous les errants. L’autoroute se rappelle nos migrations.

Mettez vos pieds sur quatre petites roues. Roulez-nous sur la prairie vallonnée. La créosote dans les fossés, noire comme nos muffles. L’herbe parfois aussi haute que nos bosses.

(…)

Pensionnats pour les Indiennes

1.

Ramassez de la boue, voyez comme elle se répand dans l’eau. Maintenant la terre nage, ne sachant pas ce qu’elle est, n’ayant pas ce qu’il faut pour le savoir bien. Secrétaires-bureaux, lits métalliques. Le linge que les filles lavent au pensionnat. Sur le mur, le Christ au poteau, son pistolet pointé sur le monde. Je tourne les pages du livre. Nous avons dormi avec ce Christ cloué au dessus de nos lits. Ce gisant, Christ bâton-marchant, aussi proche qu’un clou dans la main.

2.

La longue pièce blanche devient parfois jardin.

Les fleurs des haricots, le soleil gazouillant au sol. Autrefois, il y a longtemps nous avions migré. Je détestais tenir ce qui se trouvait là, mais c’était assis sur mes genoux. Il y a des moments, même avec le Christ, où je ne suis pas heureuse. Au jardin, près de la rivière, les criquets dans les rangs sont nos faiseurs-de-hutte. Hier, le gardien a fauché les chaumes de maïs, les débris flétris de paille, quelques courges dans les rangs après le raid.

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Critiques :Ph.P dans Les Hebdos du Haut-Jura a écrit:

La poésie de Diane Glancy, en vers libres ou en prose poétique, est résolument contemporaine. L'énergie est le dénominateur commun. Ses mots avancent implacablement. Jamais larmoyants, parfois drôles et mordants, ils donnent une voix à ceux que l'on a rendu muets, à ceux que l'on écoute jamais.


À propos de l’auteur

Diane Glancy est née en 1941 à Kansas city, dans le Missouri, d'un père Cherokee et d'une mère Germano-Anglaise. Elle reconnaît que c'est la culture Indienne qui l'a le plus nourrie. Elle aime à dire qu’elle ne cherche pas à prendre la parole, mais à la donner à ceux qui ne l'ont jamais eue, afin de réécrire l'histoire trop souvent transmise par le filtre des anthropologues et ethnologues.
Elle est professeur Émérite de l’université Macalester de Saint-Paul dans le Minnesota, où elle a enseigné la littérature Anglaise et Amérindienne.
Elle a publié de nombreux livres de poésie, des nouvelles, des essais et des romans et a reçu plusieurs prix littéraires prestigieux aux États-Unis.
Grâce à sa traductrice, Béatrice Machet, nous découvrons peu à peu son œuvre d’écrivain.
- Cartographie Cherokee, traduit par Béatrice Machet, éditions de l’Attente, 2011
- Offrande pour Iron Woman, traduit par Béatrice Machet, Wigwam, 2007