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Duchamp romantique

par Youssef Ishaghpour

Méta-ironie et sublime

Les questionnements autour du champ sémantique de l’idée de créativité avec Marcel Duchamp influencèrent certes beaucoup d’artistes du XXème siècle. Mais que penser de la nouvelle fonction de l’art dans un monde désenchanté ?

Qu’en est-il de l’art autonome en tant que vision sociale ? L’analyse esthétique et concrète de «Duchamp romantique» amène un peu de sel sur la planche de nos réflexions pour poursuivre nos recherches en continuant d’affiner notre «frisson rétinien». À bon regardeur, salut !

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Grâce à l’ironie, l’Idée est œuvre et l’œuvre aussi est Idée, lorsqu’elle surmonte la limitation de sa forme de présentation et s’ouvre au domaine de l’œuvre invisible . L’ironie devient ainsi, pour l’esprit, le seul moyen d’affronter ce qui est nul, en même temps qu’il est le masque d’une impuissance à son égard. Elle s’élève au-dessus de tout le fini et même au dessus de l’art, de la vertu et de la génialité propre .

Cette « génialité », l’activité du Moi suprême, coïncide avec « la poésie transcendantale » : l’Idée de l’art consciente d’elle-même. En tant que réflexion de la forme, l’Idée de l’art englobe tous les matériaux 
et pratiques et, dans une plasticité allant de l’un à l’autre, ne s’identifie ni ne se réduit à aucun en particulier. Ce sont l’Artiste et sa pensée de l’art qui importent et non la matérialité des œuvres.

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L’arbitraire de l’artiste, comme principe premier du romantisme, exige de lui qu’il soit « Artiste » de part en part. Il se doit d’être et de vivre « l’Art » en personne, et il ne le peut que par jeu et ironie. L’attente, l’abstinence d’œuvre, le désœuvrement intense ou le travail épuisant et inutile seront les chiffres symboliques de sa relation à l’absolu dans un monde profane.

Cette conception de la génialité romantique, du Witz, a trouvé en Marcel Duchamp sa réalisation radicale. Tandis que les mondes romantiques de nostalgie, de désir, de rêve, de lyrisme, de syncrétisme mythico-alchimique et d’imaginaire en général se sont réactualisés, selon les contextes, en différentes écoles romantiques, ou symbolistes et même dans le Surréalisme. Duchamp lui-même – ses premières peintures le montrent – s’enracine directement dans le Symbolisme, malgré ce que ses toiles doivent à l’impressionnisme, au fauvisme, au cubisme et au futurisme. Par exemple, « l’androgyne », l’un des mythes fondamentaux du Symbolisme, restera une constante chez lui : depuis l’image primordiale et cosmique du jeune homme et de la jeune femme autour de l’arbre, jusqu’à la moustache et la barbiche de la Joconde ou à son propre déguisement féminin en Rrose Sélavy.

Pour le peintre Duchamp, le tournant décisif – et désespéré : parce que Duchamp, plus que tous les autres, était profondément attaché à la signification symbolique et spirituelle de l’art – a été dû à une prise de conscience de ce qu’il advient de l’art, selon la parole de Walter Benjamin, « à l’ère de sa reproductibilité mécanique ». Les autres peintres ont intégré les effets de la reproductibilité technique à leurs pratiques, comme Duchamp lui-même pendant un court moment, avant que cela n’entraîne pour lui une rupture radicale au niveau des principes. Cette conscience aiguë des métamorphoses mécaniques et machiniques du monde – et dans l’ordre des images, de la reproduction technique dont dépend même Étant donnés, l’œuvre finale – a été essentielle. Contrairement à ses amis surréalistes, Duchamp ne privilégie pas  l’univers du rêve poétique ou mythico-alchimique contre le devenir machinique et matériel du monde. Mais il « œuvre » et traverse, de manière ironique, cette nouvelle réalité, avec ses pratiques mécaniques, techniques et « scientifiques ».

« À l’ère de la reproductibilité technique », quand l’activité scientifique remplace la magie et l’alchimie et que la valeur « cultuelle » des œuvres cède à leur valeur d’exposition, l’occulte devient Témoins oculistes ; « la clarté divine », la transparence du verre ; l’éther, le gaz d’éclairage. Et l’ésotérisme prend pour masque le banal et le trivial.

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À propos de l’auteur

Youssef Ishaghpour, né à Téhéran (14 mars 1940- 15 octobre 2021), est un essayiste français d'origine iranienne. Il étudie le cinéma à l'École Louis Lumière et à l'institut des hautes études Cinématographiques, l'histoire de l'art ainsi que la philosophie et la sociologie à l'École pratique des hautes études et à la Sorbonne. Docteur ès lettres, il est professeur à l'université Paris Descartes.
Il fut un proche de Lucien Goldmann et de Jean Mitry. Il a publié depuis les années 1960, des essais sur la philosophie, la peinture, la littérature et le cinéma. Son ouvrage majeur est une monographie en trois volumes, (La Différence, 2001), écrit sur trente-sept ans, consacrée au cinéaste Orson Welles, dont il avait découvert l'œuvre à son arrivée à Paris, en 1958.
Association Les Amis de Youssef Ishaghpour

Bibliographie

CinémaKiarostami. II, Dans et hors les murs, Circé, 2012 • Le Cinéma : histoire et Théorie, Farrago, 2006 • Historicité du cinéma, Farrago, 2004 • Satyajit Ray : l'Orient et l'Occident, La Différence, 2002 • Orson Welles, cinéaste, une caméra visible III (Les films de la période nomade), La Différence, 2001 • Orson Welles, cinéaste, une caméra visible II (Les films de la période américaine), La Différence, 2001 • Orson Welles, cinéaste, une caméra visible I (Mais notre dépendance à l'image est énorme...), La Différence, 2001 • Kiarostami : le réel face et pile, Farrago, 2001 • Archéologie du cinéma et mémoire du siècle, dialogue avec Jean-Luc Godard, Farrago, 2000 • Le Cinéma, coll. "Dominos", Flammarion, 1996 • Opéra et théâtre dans le cinéma d'aujourd'hui, La Différence, 1995 • Formes de l'impermanence : le style de Yasujiro Ozu, Yellow Now, 1994 • Cinéma contemporain : de ce côté du miroir, La Différence, 1986 • Visconti : le sens et l'image, La Différence, 1984 • D'une image à l'autre : la nouvelle modernité du cinéma, Denoël, 1982 • Luchino Visconti, signé Yves Guillaume, éditions Universitaires, 1966 /// PeintureHopper, lumière d'absence, Circé, 2014 • Courbet le portrait de l’artiste dans son atelier, L'Échoppe, 1998 ; réédition augmentée, Circé, 2011 • Chohreh Feyzdjou, L’épicerie de l’apocalypse, Circé, 2011 • La Miniature persane : les couleurs de la lumière, le miroir et le jardin, Farrago, 1999 ; réédition augmentée, Verdier poche, 2009 • Duchamp romantique, méta-ironie et sublime, L'Attente, 2008 • Antoni Tapies : œuvres, écrits, entretiens, Hazan, 2006 • Rauschenberg, le monde comme image de reproduction, Farrago / Leo Sheer, 2003 • Rothko, une absence d'image, lumière de la couleur, Farrago / Leo Sheer, 2003 • Staël : la peinture et l'image, Farrago, 2003 • Morandi : lumière et mémoire, Farrago / Leo Sheer, 2001 • Chohreh Feyzdjou : l'épicerie de l'apocalypse, Khavaran, 1998 • Courbet : portrait de l'Artiste dans son atelier, L'Échoppe, 1998 • Poussin, là où le lointain... Mythe et paysage, L'Échoppe, 1996 • Seurat : la pureté de l'élément spectral, L'Échoppe, 1992 • Aux origines de l'Art moderne : le Manet de Bataille, La Différence, 1989 /// Philosophie et littératureShahrokh Meskoob par lui-même (en persan), Khavaran, 2011 • Marx à la chute du communisme : disparition du politique et de l'intellectuel ?, Farrago, 2005 • Le Tombeau de Sadegh Hedayat, Fourbis, 1991 • Élias Canetti : métamorphose et identité, La Différence, 1990 • Paul Nizan : l'écrivain et le politique entre les deux guerres, La Différence, 1990 • Paul Nizan : une figure mythique et son temps, Le Sycomore, 1980 • Lucien Goldmann, Lukàcs et Heidegger, Denoël, 1973 /// PhotographieNuée et pâture de vent, La Différence, 2012 • Au commencement, La Différence, 2010 • Arbres, avec Juliette Grange, Farrago, 2006 • Grèves, rocs et mers, Farrago, 2006 • Proche et lointain, Farrago, 2004


Djinn jaune

par David Lespiau

Colorimétrie mentale

David Lespiau écrit une série de textes sur la couleur jaune dont voici les premiers volets. Un jaune aux multiples symboles et usages dans la langue. Ici la couleur devient un verbe, une vitesse à l’allure de peinture fraîche… Qui s’y colle en garde des traces. Rayon, spectre, synthèse… où le mot poème (sans e) a la forme d’un revolver — sans fin, visant toute métamorphose…

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1

Une amibe se désenkyste. Gélule
la phrase encapsule des taches jaunes
entre chaque mot
ce que tu décoques tu le stockes où ?
gin jaune huilé. Allitérations de synthèse.
Formes gravitationnelles
de l’alcool. Des homophonies relevées en bulles
tonic et paille coudée, siphon
urine, foutre et mouille
huile de serpent
yeux mouillés, nez mouché

#

excrétion peinte, jaune,
au-dessus d’un revolver rouge
excrétion d’huile épaissie de sang,
étalée avec la main, les doigts
jaune mental fluide, épais, corporel,
lymphatique blanchi de salive — traîné
un cheval à l’œil jaune, deux personnages
dessus à nez jaunes
acrobate d’un coup d’œil, jaunement :
l’espace blanc est jaune

#

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épaissir la couleur est une façon de réduire
la distance
sans agrandir le tableau
des larves d’insectes posées directement
sur un scanner haute définition
l’impression numérique ou aux pigments agrandie
jusqu’à la taille d’un homme
poisson dans un poisson
tenu entre les mains d’un vieillard
comment on se nourrit dans les abîmes,
sur la lune. Plancton. Lumière intérieure
de la baleine, grotte de chair
éclairée à la bougie dans la graisse
lumière nocturne de Jonas, Job
Jack
sers-moi encore un verre s’il te plaît

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Critiques :Éric Loret dans Djinn jaune a écrit:

Jaune, c’est la couleur de la margarine et de la Poste, voire, vers la fin de ce chant en quatre temps, un « jaune d’autruche bizarrement étranglée ». Djinn, c’est un esprit malfaisant chez les musulmans, dont Hugo a fait un autre poème, mais « gin jaune » à la première page. Le mélange des deux, c’est le sexe plus la peinture qui fait que « le mot poème sans e a la forme d’un revolver / dirringer – gamme à crosses nacre, opaline, marbre, sable, fauve / il n’y en a pas exactement de crème / si la fragmentation du corps intervenait pour ça / des excréments / des macules, un pelage / approchons de là avec suffisamment de pollen pour tout jaunir ». Un texte qui rend « gruté » et réjoui, comme tous ceux de Lespiau, expert en radiographie à « la vitesse de la couleur ».
(Libération, 8 janvier 2009)


À propos de l’auteur

Auteur et traducteur, David Lespiau est né en 1969 à Bayonne. Premiers textes publiés en revue à partir de 1996, puis chez plusieurs éditeurs à partir de 2002 ; une vingtaine de livres publiés depuis. Il a co-dirigé la revue Issue autour de la poésie américaine et s'est engagé dans un travail de lecture critique, notamment pour la revue CCP. Il poursuit plusieurs axes de recherche et d’écriture autour de la poésie et du récit.

Bibliographie

  • équilibre libellule niveau, P.O.L, 2017Carabine souple, L'Ours Blanc/ Héros-Limite, 2016 • Récupération du sommeil, Héros-Limite, 2016 • Nous avions, Paris, coll. "L'Estran", Argol, 2014 • Notes pour rien, Contrat maint, 2014 • Poudre de la poudre, Le bleu du ciel, 2014 • Notes de production, Contre-mur, 2013 • Aluminium, poème Rauschenberg, Argol, 2012 • L'intérieur du jour, Head, 2012 • Un conte (version galicienne : Emilio Araúxo), Amastra-n-gallar, 2013 • 70 je piqués de biais, Lnk, 2013 • 27 réponses, Lnk, 2013 • Nocturne, D-fiction, 2012 • Djinn John, coll. Spoom, L’Attente, 2011 • Férié, postface d’Emmanuel Hocquard, Les petits matins, 2010 • Ouija-Board (version américaine : Cole Swensen ; version allemande : Cosima Weiter) avec des collages de Tom Raworth), Héros-Limite Genève, 2009 • Oh un lieu d’épuisement, Contrat maint, 2009 • Peliqueiros (version galicienne : Emilio Arauxo), Amastra-N-Gallar, 2009 • Scan de felo (version galicienne : Emilio Arauxo), Amastra-N-Gallar, 2008 • Supplément Celmins, Little Single, 2008 • Djinn jaune, coll. Spoom, L’Attente, 2008 • La fille du département Fiction (carnet Hawaii), L’Attente, 2007 • [or est un mot minuscule], coll. "Vade-Mecum", L’Attente, 2006 (H.C.) • Quatre morcellements ou l'affaire du volume restitué, Le bleu du ciel, 2006 • De l'électricité comme moteur, L’Attente, 2006 • La poule est un oiseau autodidacte, L’Attente, 2005 • Réduction de la révolution la nuit, Contrat maint, 2005 • Spirit II, Contrat Maint, 2004 • Autocuiseur, coll. "Vade-Mecum", L’Attente, 2004 (H.C.) • L’Épreuve du Prussien, Le bleu du ciel, 2003 • La poursuite de Tom, Farrago / Léo Scheer, 2003 • La Mort dans l’eau l’âme download (85 polaroïds de plage), Spectres Familiers, 2003 • Opération Lindbergh, Contrat maint, 2002 Parus en catalogues, ouvrages collectifs, anthologies, revues • Jean-François Bory, L’apocalypse de Gutenberg, français/italien, Fondation Berardelli, 2008 • Jean-Luc Parant, L’évasion du regard, Médiathèque Voyelle, 2009 • Poem, Poets on (an) Exchange Mission, français / américain, Fish Drum, New York, 2009 • Textes de création parus dans la Revue de littérature générale n° 2, If  n°14 & 21, Action poétique n°156, Le Cahier du Refuge n°80, Les cahiers de l'Institut d'études Poétiques, Action restreinte n° 2, Hypercourt n° 1, Issue n° 1 à 5, Amastra-N-Gallar n° 13, Fin n° 21, Le Bout des Bordes n° 9/10, Java n° 25/26, Nioques n°3 (3e série), Espace(s) n°4, D’ici là n°1 & 5, Fondcommun n° 1... Participation aux ateliers de traduction collective des poètes américaines Joan Retallack, Kristin Prevallet, Elizabeth Willis (cipM / Un bureau sur l’Atlantique, 2002 à 2007). Traductions pour If n°16 (Reznikoff). Traduction de Light travels, Keith & Rosmarie Waldrop, L’Attente, 2006 Textes critiques parus dans les revues CCP (n°1 à 21), Cinéma n°10, Amastra- N-Gallar n°8 & 12, Critique n°735-736 et Ent’revues n°42.


Ralentir Spider

par Véronique Pittolo

Archéologie du toon

Dans Ralentir Spider se dresse une archéologie du toon, à travers une typologie de personnages issus de l’entertainment. Spiderman est une figure générique raccourcie en Spider pour évoquer le terme anglais speed, speeder : vitesse accélérée. Entre addiction et aliénation, le monde virtuel imprègne l’imaginaire d’un adolescent, et produit d’autres modes d’exploration. Une collusion se produit entre ce monde artificiel et la réalité que l’on perçoit par bribes documentaires.

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Extrait :

Les aventures des toons correspondent
aux restes de nos actions,
les choses que nous n’aimons plus,
que nous trouvons inutiles.
Nous recyclons en toon ce qui ne fonctionne plus, rendons vivant ce qui est mort.
Je veux décrire les ravages d’un essai nucléaire, des oscillations qui n’emballent que moi.
Si je veux,  je dessine des horreurs en direct.
Quelqu’un se jette dans le vide
qui pourrait être moi
ou un toon féminin flanqué de son homologue.

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Chaque monstre est accouplé d’un autre monstre, en plus petit.
Je cherche une flore et une faune, impossible,
derrière le hublot mon cou s’allonge, maigre,
je vais piquer le sol.
Au stade liquide des catastrophes, je suis puissant, à dix mille mètres d’altitude, pas déçu.
Sans pilote, il n’y a plus rien.
Jamais une femme ne pourrait conduire un
engin pareil.
Une cagoule pourrait débarquer dans l’ombre
en représailles,
une cagoule pointue, un géant,
le pistolet au bout.

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Critiques :Éric Loret dans Libération a écrit:

«Les aventures des toons correspondent / aux restes de nos actions, / les choses que nous n'aimons plus, / que nous trouvons inutiles. / Nous recyclons en toon ce qui ne fonctionne plus, / rendons vivant ce qui est mort.» Une exploration du monde des héros de BD et jeux vidéo, […] en ce qu’ils déterminent notre imaginaire et nos sens car «quand je lis Rahan, c’est comme si on me caressait la tête (comme ça)». Mais c’est aussi un manuel de vie moderne («Si mon affreux déprime, je lui enlève sa cape, / il tombe, je le remonte») et une mise à l’essai des nouvelles formes de mémoire et de jeux : «Comment raconter une histoire aujourd'hui? […] Sur Homme qui meurt, je tombe sur un genre, une tendance. / je clique, et hors de ma peau, je ne sens rien»
(Libération du 4 janvier 2009)


À propos de l’auteur

Née en 1960 à Douai, Véronique Pittolo est écrivain, critique d’art pour la photographie, elle organise également des expositions (elle a participé aux revues Photographies et Beaux-Arts Magazine) et elle anime des ateliers d'écriture.
Elle "pratique une prose poétique qui intègre le narratif, en laissant au lecteur des possibilités d'interprétation. Il s’agit d’un travail sur la fiction qui prend le plus souvent comme point de départ la notion de personnage. Ses livres peuvent se lire comme des propositions qui réveillent quelque chose chez le lecteur, quelque chose qu'il connaît mais qu'il a un peu oublié".

Bibliographie

À la piscine avec Norbert, Seuil, 2021 • Monomère & Maxiplace, l'Attente, 2018 • Une jeune fille dans tout le royaume, L'Attente, 2014 • On sait pourquoi les renards sont roux, Le Temps des cerises, 2012 • Toute Résurrection commence par les pieds, L'Attente, 2012 • La Révolution dans la poche, Al Dante, 2010 • Ralentir Spider, L’Attente, 2008 • Hélène mode d’emploi, Al Dante, 2008 • Danse à l’école, L’Attente, 2006 • Opéra isotherme, Al Dante, 2005 • Gary Cooper ne lisait pas de livres, Al Dante, 2004 • Chaperon Loup Farci, La Main Courante, 2003 • Schrek, L’Attente, 2003 (Épuisé, repris dans l'ensemble "Une jeune fille dans tout le royaume") • XY ou la Poursuite du Bonheur, Cahiers Ephémérides, 1998 • Héros, Al Dante, 1998 • 29 Poètes françaises, Stock, 1995 • Montage, Fourbis, 1992 /// Œuvres radiophoniquesL’homme et le pantin, mise en voix et vidéo sur le site D – Fiction, 2012 • Hélène mode d’emploi, poème sonore pour deux comédiens, France Culture, 2006 • Toute Résurrection commence par les pieds, Perspectives contemporaines, France Culture, 2008 • Peinture-Écriture à l’hôpital, Sur les Docks, France Culture, 2008 • 1789-2009, fiction, France Culture, 2009 Prix de poésie de la SGDL (société des Gens de Lettres) en 2004 Prix Yvan Goll en 2009


L’autoportrait Chronique

par Francis Cohen

Couverture d’ouvrage : L’autoportrait Chronique
Fiche technique :Prix : 16,00 € EUR
ISBN : 978-2-914688-78-9
Taille : 15,50 x 21,00 cm
Pages : 174

Enquête sur le carré : Albiach, Daive, Royet-Journoud Veinstein

L’autoportrait chronique témoigne. Il s’agit d’une enquête dont le nom est à la fois l’objet et l’instrument. Le nom permet d’accorder l’incompréhensible au témoignage sous la forme d’un récit critique.
Dans le livre l’auteur ne part jamais de rien. Et sur le nom, il n’y a rien à dire sinon la fiction qui le supporte. Le livre a été publié dans une autre version sous le titre Chronique du carré dans la revue Fin de 1999 à 2006. Le livre s’est construit par la rencontre et le recoupement qui pré-existe autour du carré, soit 4 poètes majeurs : Anne-Marie Albiach, Jean Daive, Claude Royet-Journoud, Alain Veinstein. Le travail du nom est l’élaboration de Francis Cohen qui nomme et établit des liens d’ordre littéraire (Celan, Collobert, Dupin, Giroux, Hocquard, Jabès, Laporte, Reverdy...), artistique (Duchamp, Fauquet, Stratos, Tapies, Fredrikson, Kermarrec, Twombly, Kandinsky...), philosophique (Nietzsche, Derrida, Deleuze, Spinoza, Faye...). Ainsi, le lecteur a un guide pour mener l’enquête, il possède la clé accédant à l’intrigue.

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Extrait :

Quelle est l’introduction ? L’enfance. L’enfance scandaleuse redépave l’installation tétralogique. Il y a un cycle ou une virgule dont je suis l’héritier, j’aurais voulu en m’abstenant du désastre saisir les indices qu’il redispose. Il y a deux méthodes : daller et dépaver. Et lisant La Condition d’infini, j’ai déjà admiré l’enfance dépavée s’introduisant dans faire « semblant » c’est-à-dire finalement chercher du côté de l’identité une virgule et trouver la délinquance. J’ai retrouvé l’itinéraire de leurs années soixante-dix en introduisant une temporalité virgulée dans le carré.

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Maintenant je vois Alain Veinstein sortant du café-bar page 231, quelques heures plus tard les bras dans le dos il attend devant la Préfecture de la SEINE, sous le DÉPÔT des œuvres d’art p. 230. Anne-Marie Albiach fume de profil à Neuilly p. 232, de face p. 233. Claude Royet-Journoud p. 223 sur le balcon, Jean Daive dans une boucherie, entre deux porcs verticaux p. 225 projette une diagonale dans le Travail de poésie.

Sans pagination, dos au mur à distance d’écrire, j’écris pour mieux entendre ce qu’ils ont vu ; oubliant les raisons qu’ils ont eues d’écrire, je cherche un récit plus interne, le monde je. Et moi, je serai l’introduit, témoin d’une présence féminine exposant la loi(e) d’impulsion pure. Anne-Marie Albiach. Elle redessine ces corps renversés sur les dalles pendant que les hommes abandonnent le carré. Nous sommes seuls, je provoque un rire pour en extraire son récit.

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À propos de l’auteur

Francis Cohen est né en 1960. Il est poète et professeur de philosophie et dirige la revue LIGNE 13 avec Sébastien Smirou. Avec Michèle Cohen-Halimi, il a dirigé le N°735-736 de la revue CRITIQUE - Les Intensifs, poètes du XXIe siècle.

Bibliographie

Diesmal, Nous, 2011 • Singeries pour Jacques Dupin, éditions de l’Attente, 2010 • En finir, Éric Pesty Éditeur, 2010 • L’autoportrait chronique, éditions de l’Attente, 2008 • Zones d’interventions précaires (avec Jean-Michel Fauquet), Filigranes, 2008 • Zwar, TH. TY., 2008 • 04.03., Mélanges pour Jacques Dupin (avec Nicolas Pesquès), P.O.L, 2007 • M.T.P : le festin de Balthazar (avec J.-M. Fauquet), galerie Pierre Brullé, 2006 • Monsieur Le Gros Monsieur, TH. TY., 2004 • Le théâtre de Monsieur Le Gros Monsieur (avec Anne Slacik), LMP, 1999 • Jean Daive, le délinquant impeccable, cipM, 1998 • je te continue ma lecture. Mélanges pour Claude Royet-Journoud (avec Michèle Cohen-Halimi), P.O.L, 1998


AVE !

par Jean-Marc Baillieu

Couverture d’ouvrage : AVE !
Fiche technique :Prix: 11,00 €
ISBN : 978-2-914688-79-6
Taille : 15,50 x 21,50 cm
Pages : 84

Abrégé d'Histoire romaine

Prendre la tumultueuse Histoire romaine pour la réécrire n’est pas une mince affaire. L’auteur réussit pourtant cette épreuve haut-la-main, en produisant pour le lecteur d’aujourd’hui un abrégé composé de traits marquants soigneusement sélectionnés de toute traçabilité, son correspondant n’étant autre que le célèbre et indubitable Tacite. Pour ne pas faire de jaloux, l’ordre chronologique de l’Histoire le cède ici à l’ordre alphabétique. Vous l’aurez compris, AVE ! est un livre étonnant et détonnant de par son agencement structurel, son organisation rigoureuse et le récit qu’il dévoile. Un objet littéraire instructif et rebondissant qui paradoxalement échappe à toute classification.
Sang, sexe et sueur pour les uns, honneur, amour, labeur pour d’autres, l’Histoire romaine est une formidable saga collective mais aussi une collection d’aventures individuelles qu’il nous plaît ici de revisiter sur un mode alphabétique à partir des faits rapportés par Tacite.

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AUCTORITAS

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Ardagèse, conseillé par son fils Sinnacès, se révolta contre Artaban qui invita l’eunuque Abdus à un festin au cours duquel il lui fit ingérer un poison lent. Essaim d’abeilles sur le faîte du Capitole un jour. Évandre d’Arcadie confia les lettres de l’alphabet aux aborigènes de la botte italienne. Drusus fut maltraité par le centurion Actius, tandis qu’Adgandestrius chef des Cattes dont le territoire commençait avec les hauteurs de la forêt d’Hercynie, proposa d’empoisonner Arminius, chef des Chérusques, autre peuplade germaine. La loi Julia réprima l’adultère. Grande âme supporte adversité, ne s’y soustrait. À Paphos – île de Chypre – le roi Aérias dédia un temple à Vénus que visita Titus. Le centurion Julius Agrestis se donna la mort pour attester un récit que refusait de croire le prince Vitellius. Les aigles étaient religieusement respectées et honorées par les soldats romains. Peuplade lygienne, les Naharvales adoraient Castor et Pollux sous le nom d’Alcis. Les Romains furent une fois défaits par les Gaulois sur les bords de l’Allia, rivière du Latium. Claude ajouta de nouvelles lettres à l’alphabet. Sous le règne d’Amasis, roi d’Égypte, parut le second phénix. Dans le malheur, l’âme s’attendrit facilement. La renommée des Anciens suffit à leur éloge. Ignorant l’automne, les Germains divisaient l’année en trois saisons. La septième année, les Juifs étaient oisifs. Statius Anneus, médecin, procura du poison à son ami Sénèque pour accélérer une mort trop lente à venir par la seule ouverture des veines. Annibal perdit un œil en combattant, de même Civilis, chef des Bataves, et Sertorius. Le prince troyen Anténor institua les jeux du ceste. Dans la guerre des pirates, les Byzantins portèrent secours à Marc Antoine, père du triumvir. Tribuns des cohortes prétoriennes, Antonius Naso et Antonius Taurus furent cassés de leur emploi. En partie détruite par un tremblement de terre, Apamée, ville phrygienne, fut exemptée du tribut cinq années durant, tout comme Apollonide, ville d’Asie également touchée. Marcus Aper prit le parti de l’éloquence contre Maternus. Aridité des écrits du rhéteur Apollodore. Calpurnius Galerianus fut tué sur la voie Appienne par ordre de Licinius Mucianus. Narcisse assassina Appius, dénonça au prince l’adultère de Silius et, malade, se rendit à Sinuessa, ville de Campanie célèbre par la douceur de son climat et la salubrité de ses eaux, où, frappé d’exil, Tigellinus termina sa vie. Sans motif connu, Apronia fut précipitée du haut d’une maison par son mari le préteur Plautius Silvanus qui, pour échapper au jugement, tenta vainement de se poignarder avant de se faire ouvrir les veines avec une arme envoyée par sa grand-mère Urgalia que son amitié avec l’impératrice Livie plaça un temps au-dessus des lois. Lucius Apronius, chevalier de l’escorte de Drusus, était le père de Lucius Apronius Cesianus qui repoussa les Numides dans leurs déserts, et le beau-père de Lentulus Getulicus, fils du triomphateur des Gétules. Primipilaire, Aquilius commanda en Germanie. L’Araxe baigne les murailles d’Artaxata, ville d’Arménie. Arbalétriers, archers, Ardennes. Aulus Vitellius, fils de Lucius, interdit le théâtre et l’arène aux chevaliers romains qui avaient pour prérogative de porter un anneau. Esclave puis intendant de Servius Sulpicius Galba à qui, en grec, Tibère avait prédit : « Et toi aussi, Galba, tu goûteras un jour de l’empire », Argius donna secrètement sépulture au corps du défunt prince. De Néron, Aristobule reçut le trône de l’Arménie Mineure. L’armée la plus redoutable dans l’action est celle qui, inactive, est la plus calme. Les armes sont la seule voie des braves. Arius était un médiocre orateur. Artaban, du sang des Arsacides, fut massacré avec femme et fils par son frère Gotarzès qui, vainqueur de Méherdate trahi par Parrhace, lui fit couper les oreilles. Aïeul d’Asinius Salonicus et bisaïeul d’Asinius Marcellus, Caius Asinius Pollio prolongea son existence jusqu’à la fin du règne d’Auguste. Discours de Calvus contre Asitius. Exhalaisons d’Asphaltite, grand lac de Judée. Calpurnius Asprenas, envoyé par Galba pour gouverner les provinces de Galatie et de Pamphylie, fit arrêter et mettre à mort un faux Néron échoué un jour de tempête sur l’île de Cythnos en mer Égée. L’astrologie touche de près à l’erreur. Ateius Capito fut à Rome le premier dans la science des lois. Le centurion primipilaire Atilius Verus sauva l’aigle de sa légion aux dépens de sa vie. Atimetus, affranchi de Domitia, tante de Néron, fut livré au supplice. Les chevaliers Curtius Atticus et Flaccus Vescularius Atticus furent des proches de Tibère qui fit exécuter le second. Fils d’Hercule et d’Omphale, Atys fut le père des Tyrrhéniens et les Lydiens. L’augural est cette partie du camp où l’on prenait les auspices. S’il n’est issu de la famille des Jules, aucun augure ne sera élu pour succéder à Germanicus, ainsi statua le sénat. Les Augustans étaient cette compagnie de chevaliers formée pour applaudir en cadence Néron chantant. Auguste est le nom donné au mont Caelius. Les Germains tiraient des auspices du hennissement et du frémissement de leurs chevaux. Le droit diminue dès que l’autorité intervient. Ce qui arrive à autrui est riche d’enseignement. L’avenir est incertain. Au-delà de dix mille sesterces d’honoraires, les avocats sont coupables de concussion. Avril reçut le surnom de Néron.

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Critiques :Jacques Barbaut dans AVE ! a écrit:

D'Auctoritas jusqu'en Virtus, voire au-delà, cette annale - vous prétendez d'emblée que ce nom ne connaît pas le singulier ? et qu'il n'y est guère question d'années - version comprimée «revisite» au pas de charge (genre …questre), à la Thrace, «les faits rapportés par Tacite» (convention explicite).
«Baliste fut machine de guerre. Tant qu'il n'avait pas tué un ennemi, un Catte laissait pousser barbe et chevelure» (p. 11, «Bellum»).

Emballement machinique des noms propres (Furius Camillus Scribonianus, Germanicus, Halicarnasse, et caetera... ), rhétorique, éloquence et elocutio, «parties du discours», art de la mémoire alphabétique (…)

(Sitaudis, 28 septembre 2008)


À propos de l’auteur

Né en 1955, animateur (1982-2008) de revues photocopiées et gratuites (Hercule de Paris, Cornaway, Comme une revue) et via internet (Sur le vif !). Poète, essayiste, critique à plein temps de 1997 à 2008 se définissant comme « chercheur en écriture » attentif à l’ensemble du procès de création (de la pulsion à la diffusion, de l’ego à l’écho) en écriture et hors-écriture, tout en restant curieux du monde en ses composantes politique, économique et sociale. Les livres, les articles et les interventions publiques sont comme des « rapports d’étape ». Des travaux menés avec des peintres, des photographes, des vidéastes, des musiciens multiplient les expériences, notamment autour de la contrainte alphabétique (cf. P.L.A. : Poème Liste Alphabétique). J-M Baillieu a été membre du comité de rédaction de Cahier Critique de Poésie de 2000 à 2006.

Bibliographie

Humanité 3, HAPAX, 2012 • Ave ! (Abrégé d’Histoire romaine), l’Attente, 2008 • L’Inconstance, Spectres Familiers, 2008 • Carnets d’un Basedowien, Cynthia 3000, 2007 • La Bienséance (augmentée), Contre-Pied, 2006 • La poésie en string, l’Attente, 2004- Gu Wei Jin Yong (Le passé sert le présent), Le Bleu du ciel, 2004 • Au pied du Mont Fuji, Contrat Maint, 2003 • Poudre de riz sonore, Le Bleu du ciel, 2001 • Fellatio, Fidel Anthelme X, 2001- NM-GB /48-57, Contrat Maint, 2000 • Tchouan Tchou, l’Attente, Collection Week-end, 2000 • L’Éparpillement des sites, Spectres Familiers, 2000 • Uruguay (Le lecteur complète), Au Figuré, 1999 • Arras (ou La Rectif. Du Pas-de-Calais), Contre-Pied, 1999 • Ma resille, Spectres Familiers, 1998