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Chœurs politiques

par Frank Smith

Couverture d’ouvrage : Chœurs politiques
Fiche technique :Prix : 9,00 € EUR
ISBN : 978-2-36242-066-5
Taille : 13,00 x 19,00 cm
Pages : 80

poésie politique en action

Pour qu’enfin cesse la vaine construction et déconstruction de châteaux en Espagne qui reposent sur le sable de nos partis pris, Frank Smith nous livre un petit vade-mecum à l’usage d’une linguistique mise sur l’établi, tout près des tournevis, des marteaux et des ciseaux à bois à destination démocratique. Rédigé à l’impératif car il nous est fondamental de sortir de nos torpeurs, de nos renoncements et de nos incertitudes. (Éric Coder)

Parution :
Thématiques :
Extrait :

— Comment, comment dans l’ordre des discours enfin prendre la parole ?

— Ne demande pas d’entrée de jeu, et ne t’explique pas, et rends-toi compte que tu n’as rien à dire, et ordonne, invente un problème avant de creuser une solution, et fabrique, oui, tes propres questions, et surtout ne pratique pas d’objections, sors de tout ça, c’est facile, et ne pense pas en termes d’histoire, le passé, le futur, c’est pas grave, et ne fais pas comme si, et ne classifie rien, et n’imite pas le chat ou le chien, et ne fais pas de châteaux en Espagne, et ne te confie à personne, on est là.

— Comment, comment être enveloppé par la parole plutôt que de la prendre ? Et comment, comment la porter, la parole, au-delà de tout possible commencement ?

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— N’imite pas, et ne te conforme pas à un modèle, et fous-toi des principes et des constructions de phrases, des rythmes et des figures, et ne pense pas aux conséquences qui s’ensuivent, et remplace un mot par un autre s’il ne te convient pas, il n’y a que des propositions fragiles et insensées pour essayer de se comprendre, alors crée des mots et des phrases, crée des mots fabuleux à condition de les défabuler, et n’attends jamais de retour spécial, et ne convoite jamais une attention de qui que ce soit, de quelque sorte que ce soit, et ne fais pas de châteaux en Espagne, et ne te confie à personne, on est là.

— Car, car ainsi une voix sans nom nous précède déjà ?

— Ne cherche pas à tout comprendre, et n’interprète rien, et ne te tiens pas dans une organisation réfléchie ni une inspiration spontanée, une orchestration ou une petite musique, mais déplace-toi dans ta parole, et bouge, remue dans le langage lui-même, et n’appartiens à aucun cercle d’aucun mouvement, et fais de ta langue une pratique étrange et étrangère, un emploi pas homogène, et affecte-toi depuis ta langue à toi, et ne fais pas de châteaux en Espagne, et ne te confie à personne, on est là.

— Veux-tu, veux-tu quelque autre chose encore que la parole ? La vie ?

— Combine la matière des choses et des éléments, et n’aie pas peur des contresens à moins qu’ils ne soient induits par des interprétations diffuses, et éloigne, refuse le pouvoir que tu pourrais avoir, mais rapproche, invente de nouvelles forces, de nouvelles armes, et sois gauche, fragile, faible, et charme, et source de vie, et sois personne, et sois personne dans personne, et sois la chance unique qui glisse en un instant, et ne découpe pas, ne probabilise pas, ne mutile pas l’imprévu, mais affirme, plutôt, affirme avec obstination, une persévération de toi, une persévération de toi dans toi, sans égal, affirme-la, et ne fais pas de châteaux en Espagne, et ne te confie à personne, on est là.

— Peux-tu, peux-tu quelque autre chose encore que ma vie ?

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Critiques :Jean-Philippe Cazier dans Diacritik a écrit:

"Chœurs politiques n’est figé dans aucun genre, il les traverse, les trouble – livre trans-genre(s) comme il est sans doute une des tâches de la littérature aujourd’hui d’en penser délibérément et activement les conditions et conséquences, et d’en écrire."

Hugues Jallon dans Charybde 27 : Le Blog a écrit:

"Étranges et magnifiques conseils à un jeune poète politique, sur le mode impératif et chanté, critique et scandé."

Jean-Paul Gavard-Perret dans Lienternaute a écrit:

"Frank Smith donne ici à ses semblables et frères (sœurs idem) remarques et conseils - même si l’impératif de chaque segment pourrait faire penser à des ordres. Le tout sous l’égide d’une injonction capitale : ne pas se conformer à un usage - soit-il prétendu bon - et fonctionner par « intersections ou croisements de trajectoires » en lieu et place d’une ligne générale propre à foncer dans les murs. Il vaut donc mieux la déroute que la route non pour dériver dans l’abîme mais s’extraire des exercices d’imbécillité que toute règle implique."

Laurent de Sutter a écrit:

Que pourrait être un poème collectif - un faire qui soit authentiquement politique ? Dans "Chœurs politiques", son nouveau livre, Frank Smith pose cette question en la *faisant* lui-même, en la fabriquant comme seuls fabriquent les poètes. Il assemble les voix d'une tragédie qui est celle du présent, mais qui ignorait encore comment parler d'elle-même comme d'un ensemble. L'exercice est vertigineux. Lisez.

Adrien Meignan dans Addict culture a écrit:

Ainsi cet ouvrage, trace d’un vécu scénique, permet de se rendre compte du déploiement du politique dans une phrase. La lecture facilite le regard critique. Elle donne à comprendre une complexité essentielle que chaque injonction projette au-delà du sens.

Fabien Ribery dans L'INTERVALLE a écrit:

“Anthologie de voix” juxtaposées, Chœurs politiques, du poète Frank Smith (éditions de L’Attente) est une sorte de théâtre neuf, un ensemble de mondes en sujets, la constitution d’un espace entre des vivants qui parlent en exposant, dans la nudité d’une relation sans hiérarchie, leurs phrases brisées, blessées, relevées.

Véronique Bergen dans ART PRESS N°450 décembre 2017 a écrit:

"Délestée de toute concession, de toute facilité, l’entreprise de Frank Smith revisite la fonction révolutionnaire du mot, de l’image au sens où leur usage inédit, leur montée à un autre régime de perception font d’eux le médium pour libérer ce qui n’a pu être dit, phrasé, filmé, joué."

Mélanie Cessiecq-Duprat dans LECTRICE a écrit:

10 – « Chœurs politiques » de Frank Smith.
Dernier jour, dernier livre. Pas facile de choisir parmi tous ceux que j’ai appréciés récemment mais celui-ci, un peu comme les « Lettres à un jeune poète » il y a presque 30 ans, m’a fait l’effet d’une bombe. Il y a des livres comme ça, qui vous tombent dessus comme si on vous réveillait en pleine nuit pour vous bombarder de phrases dont chacune produit un mini séisme et creuse en vous une faille – pas de celles qui vous plongent dans l’obscurité et les doutes, plutôt le genre à tracer des tunnels dans tous les sens (les sens physiques mais aussi ceux qui poussent l’esprit à voyager) –, des livres qui vous immergent dans des espaces aux perspectives infinies, dont on ressort avec la sensation d’une immense liberté ; celle de pouvoir regarder le monde d’en haut, comme à la sortie d’un rêve où l’on a passé les dernières heures à voler.
Jean-Philippe Cazier, dans un article pour Diacritik, dit qu’ « il pourrait s’agir d’un livre de poésie, d’un texte politique autant qu’éthique, d’un essai sur la poésie en même temps qu’un essai sur un mode de vie et de pensée encore nouveau. Le livre de Frank Smith pourrait être tout cela – et c’est effectivement ce qu’il est tout en étant autre chose. »
Pas d’identification précise quant au genre de ce texte donc, ni au sujet des personnages qui restent anonymes puisqu’ils n’ont ni âge, ni origine, ni statut définis, mais qui se trouvent rassemblés autour d’un même procédé, celui d’un dialogue entre une voix off qui pose des questions autour du discours, de la parole, et un Chœur qui affirme sans détour la notion de collectif, d’ensemble (d’être ensemble, de former un tout), pour exprimer d’une seule voix – « le murmure d’une langue collective » – des réponses formulées comme autant d’ouvertures possibles, autant de façon de voir le monde pour se libérer de ce qui nous pèse et que l'on s'impose : nos conditionnements, nos conflits intérieurs, nos obsessions, nos peurs, nos besoins d’affirmation et de reconnaissance, tout ce qui nous empêche d’être nous-mêmes et d’être à la fois personne. Car c’est peut-être là la clef ; dans cette idée qu’il nous faudrait lâcher un peu de ce nous-mêmes autour duquel on s’est construit et auquel on s’accroche souvent désespérément mais qui n’est, au fond, peut-être qu’une illusion, qu'un obstacle à ce qui nous permettrait d’accéder à un état où le tout – le tout politique, philosophique et spirituel – serait en parfait équilibre et sans mettre en danger le soi, le moi, le je…


À propos de l’auteur

Frank Smith, né en 1968, vit et travaille à Paris. Il est écrivain, poète et réalisateur, vidéaste. Il est représenté par la Galerie Analix Forever, Genève.
Il a longtemps été producteur pour France Culture où il a notamment codirigé l’Atelier de création radiophonique, de 2001 à 2011, et animé l’émission La Poésie n'est pas une solution (été 2012).
Il est par ailleurs éditeur, directeur de la collection ZagZig de livres/CD, qu’il a créée aux éditions Dis Voir en 2008, et dirige avec Antoine Dufeu la revue critique et clinique de poésie, RIP.
Il a collaboré également au journal L'Impossible de Michel Butel, à la revue Mouvement, et a animé le dispositif « Poé/tri » d’entretiens avec des poètes pour la plateforme nonfiction.fr
Depuis Guantanamo, (éd. Le Seuil, 2010) puis Gaza, d’ici-là (Al Dante), Etat de faits et Katrina (L'attente), il inaugure, à partir de documents et d’archives, une série d’« investigations poétiques » en phase avec les conflits majeurs du monde contemporain.
En 2014, aux États-Unis, la traduction de Guantanamo par la poète conceptuelle Vanessa Place, est sacrée meilleur livre de l’année par The Huffington Post : « un livre mutant, errant aux confins de Kafka, Lyotard et WC Williams » selon Avital Ronell.
A paraître : Choeurs politiques, Poème dramatique pour voix (L’attente, automne 2017).
Prochaines réalisations : Le Film de l’impossible, présenté au centre Pompidou dans le cadre du Festival Hors Pistes Production, septembre 2017, et Le Film des Indiens (Hors Pistes 2018, centre Pompidou).
En 2018, Frank Smith présentera une nouvelle exposition à la Galerie Analix Forever : Les Films du monde/68 cinétracts, pour célébrer les 50 ans de mai 1968, et participera à une exposition collective Art & Prison, à Hobart, Tasmanie, en juin (commissariat Barbara Polla).

Bibliographie

Chœurs politiques, l'Attente, 2017 • Fonctions Bartleby, bref traité d’investigations ­poétiques, Le Feu sacré, collection Les feux follets n°2, 2015 • Résolution des faits, Fidel Athelme X, 2015 • KATRINA - Isle de Jean Charles, Louisiane, l'Attente, 2015 • Surplis, Argol, 2015 • Le Film des questions, Plaine Page, 2014 • Guantanamo (tranduit par Vanessa Place, introduction by Mark Sanders, praise by Avital Ronell), Les Figues Press, Los Angeles, 2014 • États de faits, l'Attente, 2013 • Gaza, d’ici-là, Al Dante, 2013 • Guantanamo, Seuil, Collection « Fiction & Cie », 2010 • Dans Los Angeles, Le Bleu du ciel, 2009 • Le cas de le dire, Créaphis, 2007 • Je pense à toi, Les Cygnes, 2004 • Zigzag poésie. Formes et mouvements : l’effervescence, Autrement, 2001 • Poé/tri. 40 voix de poésie contemporaine, Autrement, 2001 • Je @ toi, Olbia, 2001 • Pas, photographies d’Anne-Marie Filaire, Créaphis, 1998