par
Témoignage
Sur la difficile mais passionnante mission d’écrivain animateur d’ateliers d’écriture à travers toute la France, l’auteur témoigne: «Un journaliste, un jour, m’a demandé si j’écrivais pour changer le monde. Mon premier réflexe a été de répondre non. Puis, j’ai réfléchi, j’ai pensé à la joie de voir un môme ou un adulte touché par une phrase qu’il lit ou qu’il écrit, j’ai pensé à la façon dont la littérature a changé ma vie, alors je me suis repris, et j’ai répondu: oui.»
Lecture d'un extrait par l'auteur
Thématiques :
Il est dans les mœurs de certains de vouloir que coule le sang.
Il est dans d’autres mœurs de ne pas dormir la nuit parce que l’on s’inquiète d’une parole haineuse entendue, de laisser filer les heures jusqu’à ce que l’on entende chanter les oiseaux, au petit matin, et de se lever quand même pour prendre un train, rencontrer des gens qui ne savent pas trop pourquoi leur éducateur les a conviés, et dire la joie d’une lecture, la possibilité d’une écriture, la fraternité, l’égalité qui n’est pas une réalité mais bien un but, la liberté que chacun a le droit de rêver.
Dans une grande bassine, je plonge les mots morale et idéaliste, fraternité et extase, égalité et liberté, connaissance et rêve. Il faut que ça mousse, il faut les briquer. Il s’agit de les donner à entendre comme si on ouvrait un coffre contenant un trésor oublié.
LIRE PLUSParfois, durant un atelier, quelqu’un cherche un mot et je vois la joie le chavirer quand il le trouve.
Souvenir d’un collégien, émerveillé, après que j’ai donné quelques mots à des camarades qui peinaient sur leur texte :
C’est extraordinaire, il y a des mots pour tout dire, alors ?
Cette joie-là fait partie des réponses aux questions que je me pose.
Lecture musicale d'un extrait de La Connaissance et l'extase, par Elodie Retière
REGROUPER
Warren Bismuth dans DES LIVRES RANCES a écrit:Eric Pessan est un écrivain engagé. Ses textes évoquent bien souvent la politique, au sens large du terme, mot hérité du grec ancien politikos « relatif aux citoyens », mot qui déclenche une série de questions : comment vivre ensemble et accepter chacun ? Quelles sont nos valeurs communes ? Les liens qui soutendent notre société ?
Sarah Chiche dans CHAOS a écrit:"Que faire face à la bêtise, à la haine, à la peur de la différence, aux amalgames, aux préjugés ? Éric PESSAN est à la fois écrivain et animateur d’ateliers d’écriture et de lecture théâtrale dans des collèges et des lycées, qu’ils soient généraux, professionnels ou techniques. Il vit au quotidien ces dérives idéologiques encore plus que lexicales, il tente de les combattre, il perd parfois espoir. Dans ce petit essai, il livre ses impressions, ses constats de nombreuses années sur le terrain, dans le but d’inculquer une certaine morale, un certain respect, une certaine idée de la République. "
Thierry Guichard dans Le Matricule des Anges N° 203 a écrit:Eric Pessan écrit comme on combat. J’ai beaucoup d’estime pour son intransigeance. Il a organisé sa vie autour de l’écriture.
"C'est à hauteur d'homme qu'Éric Pessan ici pose les questions auxquelles chacun, probablement, est un jour confronté. Pour peu que ce chacun-là ne vote pas pour le Rassemblement national, ne préconise pas la peine de mort à tout va sauf pour les embryons, n'appelle pas au massacre des homosexuels ou au voile obligatoire pour les filles. Les questions traduisent de L’impuissance (quoi faire ? Que dire ? Comment convaincre ?) et du dégoût (comment devient-on idiot ? Qu'y a-t-il de plus fort que la bêtise ?). Ces questions, l'écrivain et l'animateur d'ateliers d'écriture est amené à se les poser souvent: c'est dans un bar où les insultes matinales fusent quand la télé annonce que Bowie est mort («Bien fait, qu'il crève!») ; c'est dans une classe où il intervient, l'élève qui le traite de« pédé » et renverse son bureau
avant de sortir pour ne pas rester dans la même salle qu'un « pédé » et que les « pédés, il faut les égorger ». C'est, ailleurs, cette jeune fille qui affirme qu'elle épousera l'homme que ses parents lui choisiront et qu'elle en sera heureuse. C'est lors d'une barbecue party, cet autre qui avec des arguments économiques que ne renierait pas Macron, explique que la littérature est une activité inutile, autant dire nuisible. Comment réagir face à ça ?
Éric Pessan, dans ce recueil de textes qui font une unité, n'apporte aucune réponse théorique. Il témoigne simplement. Il met à plat son impuissance à agir, sa colère, ses doutes. Il va chercher Montaigne ou Michaux pour tenter de mieux cerner ce qui se joue dans ces confrontations violentes, négatrices des valeurs qui l'animent.
« C'est aux chrétiens une occasion de croire que de rencontrer une chose incroyable. » Cette phrase tirée des Essais, il se la met en bouche, il l'a fait rouler sous la langue, la laisse pénétrer en lui pour lui trouver la capacité de répondre à ce qui, quatre siècles et demi plus tard, fait question. « Cette phrase, écrit Pessan, dit avec précision ce qu'est une croyance : quelque chose qui se nourrit de chaque réfutation. »
Et d'ajouter : « Tout ce que je pourrais dire et écrire sur l'égalité et la tolérance pourrira dans l'esprit d'une personne intolérante et se transformera en compost. » Ne rien dire donc, ne rien écrire ? On sait d'avance quelle réponse l'écrivain apporte à cette conclusion. Il écrit Pessan et il n'est pas près de s'arrêter. C'est parfois ici une écriture-cri : « Silence ! Par pitié. Taisez-vous donc !» lance-t-il aux voix racistes et antisémites qui l’acculent, avant de choisir de parler de lui, de faire de lui un exemple : «je n'ai rien trouvé de mieux que la littérature. Sérieux, j'explique que je lis pour la connaissance et l'extase. Les livres m'ouvrent au monde. ( ... )Si seulement je savais comment j'ai cheminé vers la littérature, je pourrais partager la formule secrète. » Ce faisant, n'est-il pas comme ceux qu'il combat : sûr de ses valeurs, prêtre de sa foi ? Lucide, l'écrivain porte un regard acéré sur le « gauchiste » qu'il est, sur ces gens qui aiment la culture et s'indignent d'une baisse de budget pour un théâtre, sauf si c'est un théâtre dont ils n'aiment pas la programmation ...
Sur cette absence de réponse, le livre se bâtit dans une forme poreuse, allant tantôt du côté du témoignage, du récit autobiographique, bifurquant là vers
l'invective, saisissant des images restées en mémoire. Une forme ouverte pour dire l'espace à habiter entre l'enfer des autres et le paradis auquel on rêverait, pourtant, de les conduire"