par

- La route est partout
- Il faut toujours garder en tête une formule magique
- Quand j'étais petite
- Toute Résurrection commence par les pieds
- Acrobaties dessinées
- Qu'un bref regard sous le calme des cieux
- DQ/HK
- Elles en chambre
- Sanza lettere
- Mémoires des failles
- Laissez-passer
- Décor Daguerre
- Colloque des télépathes
- Paysage zéro
- Nous ne sommes pas des héros
- Le pas-comme-si des choses
- La revanche des personnes secondaires
- Des espèces de dissolution
- Monde de seconde main
- Cinéma de l'affect
- J'ai conjugué ce verbe pour marcher sur ton cœur
- Centre épique
- La geste permanente de Gentil-Cœur
- Payvagues
- Discographie
Visite guidée
Entre essai et poésie, une continuation, près d’un siècle plus tard, de la réflexion conduite par Virginia Woolf dans son essai « Une chambre à soi », sous la forme d’une visite guidée des chambres de femmes écrivains. Chambres d’écriture imaginées sous la surface, dans des régions dissimulées au regard, obscures, maintenues à part d’un quotidien souvent mené de front. Ou comment allier espace intime et contraintes matérielles d’une façon infiniment subtile pour ménager sa liberté intellectuelle.
Avec également des contributions de Marie Cosnay, Liliane Giraudon, Christine Jeanney, Emmanuelle Pagano, Cécile Portier et Anne Savelli.
Artistes de couverture :
Thématiques :
voici
nous arrivons à hauteur du passage « Sylvia Plath » que nous allons maintenant emprunter. Cette galerie s’élargit, à intervalles irréguliers, en chambres de dimensions fort variées, vous allez très vite pouvoir en juger par vous-même. Au commencement il s’agit plutôt d’un boyau… à ma suite, rampez…
La première chambre est une fenêtre. Sylvia a 7 ans. Ses avant-bras sont à Winthrop et son regard est vers Boston. Ses avant-bras reposent bien à plat sur le châssis. Les mains posées gentiment l’une sur l’autre, le menton calé sur le dos encore renflé d’enfance de l’une d’elles, par-delà la baie et le ressac de l’eau qui s’obscurcit, elle observe les avions qui lancent des éclairs rouges et verts. Elle est bien.
Laissons-la suivre ainsi des yeux le tracé des feux sur le ciel de Boston, plus tard le sommeil et, sur l’intérieur des paupières qui se substituera sans mot dire au ciel et au tarmac alors plongés dans la nuit, la cape bleue de Superman poursuivra le mouvement en des vols superbes et généreux, tout en boucles et en jambages… Pour l’heure et en ce qui nous concerne, poursuivons, je vous prie, la progression
La seconde chambre est universitaire, Sylvia a 19 ans. Elle écrit dans cette niche formée par des piles de manuels dont certains menacent par-dessus son crâne blond, d’ici on pourrait croire qu’elle est assise sur une fesse, c’est qu’elle doit partir, elle devrait l’être, volée à l’écriture pour rejoindre la salle 34 où Mr Smith donnera à 15h son cours sur les tribus allemandes, puis la salle 003 où Mr Smouth donnera son cours sur la botanique, etc. etc. etc. etc. etc. Un temps employé, elle parlera plus tard des mâchoires de l’emploi du temps, là où elle rêve nerveuse, là où elle court rêveuse, après les jours de son enfance qui n’étaient pas bornés, eux. Ici Sylvia s’exaspère de n’avoir pas ce temps pour me laisser aller, pour écrire, pour penser, j’en hurlerais… ici Sylvia se demande comment font les autres, mais comment font-ils pour vivre dans les lignes impeccables et les colonnes impeccables d’un emploi du temps ?
REGROUPER
Elsa Gribinski dans Junk Page a écrit:Elles en chambre, de Juliette Mézenc, interroge les conditions, les processus et les finalités de l’écriture. Mais il ne s’agit pas d’un essai, puisque le livre se situe dans une sorte d’espace nomade et multiple où la réflexion, la rêverie, la fiction, la poésie se rencontrent pour créer un livre et un discours atypiques qui déplacent et débordent les frontières, les limites des êtres, des genres, des langages.
Ainsi, le livre de Juliette Mézenc n’est pas uniquement une réflexion, il est une pratique de ce qui est défini comme la finalité de l’écriture, ou mieux, son mouvement (…)
Olivier Quelier dans grandeursrvitude a écrit:(…) Room, en anglais, c’est la chambre, la pièce. C’est aussi l’espace. Avec les mots de Virginia Woolf : « La liberté de penser les choses en elles-mêmes. » De chambre en chambre, la visite des lieux (ceux qui vous entravent, ceux qui vous libèrent) constitue une galerie de portraits en camera subjective. Danielle Steel y joue l’intruse mais introduit aux autres, derrière la surface lisse et vitrée, plus chiffrée que lettrée, sonnante et trébuchante, d’une chick lit au kilomètre et au reflet peu flatteur. Au-delà du miroir, la suite est intime. C’est celle des chambres de Sylvia Plath, tunnels, gouffres, à peine une échappée belle – la ligne de fuite s’achève en fuite de gaz. Celle de Shahrnush Parsipur, de l’Iran à l’exil, d’une prison à l’autre. Celle de Monique Wittig, « guérillère » d’un féminisme qui, en France, eut tôt fait de l’oublier (…)
Elles en chambre est un livre sur les chambres des femmes. Les chambres des femmes écrivains, s’entend, comme une continuation de la célèbre « chambre à soi », de Virginia Woolf, indispensable pièce (physique et mentale) pour s’adonner se donner à l’écriture à la littérature.
Un livre étrange, Elles en chambre, hors genre, ni essai ni roman ni étiquette dont ici l’auteure Juliette Mézenc se fiche éperdument. Lui importent le texte, l’écriture, le dispositif mis en place.Hors de question pour Juliette Mézenc de « rédiger » quoi que ce soit, mais bien d’écrire : « Rédiger est une façon de formuler sa pensée, une pensée déjà pensée qu’il s’agit de mettre en forme. Très bien. Ecrire, c’est tout autre chose. C’est plutôt une manière de découvrir sa pensée dans et par l’écriture, dans son mouvement, et dans le même temps trouver une langue pour le dire ». (…)