par
- La route est partout
- Il faut toujours garder en tête une formule magique
- Quand j'étais petite
- Toute Résurrection commence par les pieds
- Acrobaties dessinées
- Qu'un bref regard sous le calme des cieux
- DQ/HK
- Elles en chambre
- Sanza lettere
- Mémoires des failles
- Laissez-passer
- Décor Daguerre
- Colloque des télépathes
- Paysage zéro
- Nous ne sommes pas des héros
- Le pas-comme-si des choses
- La revanche des personnes secondaires
- Des espèces de dissolution
- Monde de seconde main
- Cinéma de l'affect
- J'ai conjugué ce verbe pour marcher sur ton cœur
- Centre épique
- La geste permanente de Gentil-Cœur
- Payvagues
- Discographie
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Dystopie écologique
Voyage en quatre fictions avec pour guides les voix de femmes, sorcières ou chamanes aux pouvoirs cosmo-telluriques. Entre désolation et merveilleux, des individus traversent des expériences inédites sous l’influence de ces voix, dans des zones au climat bouleversé. Iels explorent des relations inédites avec la faune et la flore, les phénomènes géologiques et climatiques, découvrent de nouveaux états organiques et symbiotiques. Ces récits sont portés par une langue minéralisée, soutenue par un corpus de références écologiques, anthropologiques et poétiques.
Lecture d'un extrait de l'adaptation scénique par l'autrice
Artistes de couverture :
Thématiques :
p.21
(…) le hop bang est accélération des eaux vives pour propulsion vers terres rares, pas de pause, très peu, la chute ne peut, pas facile, vous crèverez bulles, une, puis une autre, puis vous crèverez encore une bulle, hop bang, quelque fêlures, il vous faudra jouer concentriques, centres et parties déplacés, hop bang, vos bouches en haut, vos bouches en bas, vous creuserez écarts, un puis un autre, hop bang, vous sauterez les ponts qui vous relient, vous êtes bang, puis hop, hop puis bang puis hop bang.
p.96
On descend sous la surface. Les strates s’empilent les unes sur les autres. On s’enfonce dans l’épaisseur des Payvagues, de ces zones ruinées, perturbées, espaces soi-disant fantômes qu’aucun Lidar CE370, radar HF surfaces-océans, scanner de tomodensitométrie, hydrophone ne peut repérer. Leurs situations échappent à tout instrument scientifique même les plus performants.
Eric Pessan dans Note de lecture a écrit:Entretien autour du livre et du concert-performance
Alain Nicolas dans L'Humanité 9 mars 2023 a écrit:Au risque de ne rien comprendre, il faut accepter de lâcher prise lorsque l’on lit l’impressionnant « Payvagues » de Florence Jou qui vient de paraître aux éditions de l'Attente. La langue, sensitive et musicale, charrie en permanence de mots issus de la botanique, de la géologie, de l’anthropologie, des mots forgés parfois de toutes pièces ou adoptés d’autres langues lorsqu’un terme manque. Il s’agit ici d’évoquer les luttes entreprises pour contrecarrer la catastrophe annoncée. Des individus entrainés se lancent dans des opérations complexes, la narration alterne les points de vue, la lutte passe par la langue, mais aussi par l’invention de nouvelles relations avec la nature (la faune, la flore, les paysages), des relations mimétiques, symbiotiques : l’humain se décentre pour s’approcher au mieux du non-humain, chacun cherche le minéral, le végétal, l’animal, le liquide, le vent, etc…, en lui, chacun éprouve le paysage dans et par son corps, sa gestuelle, sa pensée. « Payvagues » pourrait se lire comme un roman de science-fiction ou l’invention d’une nouvelle façon d’être permettrait de sauver ce qui peut l’être d’un monde en déliquescence. « Payvagues » est surtout un livre hors-genre, un de ces ouvrages qui prennent le risque de dérouter par une écriture radicale, sauvage, polyphonique, libre et terriblement mélodique.
Hugues Robert dans Librairie Charybde a écrit:Quatre femmes pour régénérer le vivant
RÉCITS : Quatre espaces désolés ou menacés, quatre détentrices de pouvoirs étranges qui se lèvent pour combattre et habiter le monde autrement, c'est le Payvagues poétique où voyage Florence Jou.
Hommes, femmes et enfants, ils marchent dans une zone indéfinissable où s'accumulent impuretés, « éjecta visqueux, matières fines consistance molle, sableuse et vitreuse qui s'é1èvent sous l'effet de la pression jusqu'à se coller au ciel ». Du noir se relâche, gaz qui se condense, s'agglomère. La lumière s'affaiblit. Toute leur énergie est absorbée par la marche « monocorde » et l'effort de répéter en chœur une « litanie à peine audible » : « Et la chose traverse, arrache, détache et met en déroute. » Nous sommes dans l'un des quatre récits qui composent le Payvagues que décrit Florence Jou.
Le deuxième récit, Odor under control, se déroule sur une dalle qui devait être une protection et qui se fissure sous la menace d'une catastrophe, « les pulsations souterraines d'une altérité qui ne veut plus être contenue, une marée, une crue, un déferlement ». Et aussi un cordon littoral et une lagune où naviguent deux « agriculteurs littoralistes », cueilleurs conservant « ce qui existe de marges », loin des villes. Et encore une plage où l'on peut lire sur un écriteau « via the moon to the beach ». Quatre espaces où la menace, la désolation qui semble au début accablante, est combattue. Par des femmes habitées, exécutant des rituels ou jouant du couteau, inventant des danses et des conjurations, détentrices de pouvoirs qui vont rendre habitable le fascinant Payvagues que nous ouvre l'écriture de Florence Jou.
Hugues Robert dans Librairie Charybde 27 a écrit:Si je n'avais pas une trentaine de notes de lecture en retard, je vous dirais aussi tout le bien que je pense de ce bel ouvrage, poétique et incisif.
Aliénor Bautru-Valois dans Libération du 11/05/24 a écrit:Le chant envoûtant d’une éco-poésie du vivant, alternative, exploratoire, futuriste et radicale.
Johan Faeber dans COLLATERAL a écrit:Payvagues m’évoque le lointain. Pourtant, sur la quatrième de couverture, l’immobilité ne peut trouver de meilleure représentation que ce van, toutes portes closes, arrêté sur un terrain vague. Un peu rouillé, un peu bancal, ce véhicule ne semble plus d’aucune utilité pour voyager. Cette zone en friche pourrait être le point de départ des pérégrinations de Florence Jou, poétesse et performeuse. Elle élabore des fictions climatiques où se cristallisent, «entre désolation et merveilleux», les enjeux poétiques, politiques et environnementaux de notre époque.
Guidée par des présences chamaniques, une communauté nomade traverse des territoires au climat bouleversé, post-apocalyptique. De cette masse errante, s’extraient un «je» flottant, non attribué, et des prénoms, Valéria, Dom, Ludo et Luz. Par des états de transe ou des actes de résistance, les personnages luttent pour établir de nouvelles relations avec la faune et la flore. Et il y a dès l’ouverture du recueil, la décharge d’une matière presque palpable : «Du noir se libère». L’ensemble annonce les mutations des personnages et des phénomènes, car «le stable n’est pas le commencement» – comme le rappelle le titre du troisième récit. Les quatre récits, introduits par la description fragmentaire d’un paysage, peuvent être lus indépendamment, chacun contenant une expérience de transformation ou de symbiose des corps avec d’autres matérialités – qu’elles soient minérales, végétales ou artificielles. Tout est métamorphose et régénération.
Le rythme des incantations des chamanesCréative et savante, la langue de Payvagues est une sorte d’anti-taxinomie. Pour qualifier les choses et les états, Florence Jou fabrique des mots composites qu’elle ne classe pas. Elle les accumule. Ses curiosités excèdent alors les cloisons linguistiques et grammaticales, pour souligner le rythme des incantations des chamanes. En refermant le livre, me restent en tête la densité exigeante de sa prose et la particularité de son écriture par sédimentation, déposant là des références visuelles, écologiques et anthropologiques. Si Florence Jou donne à son livre une épaisseur géologique, les récits proposés en filigrane ramènent aux réalités climatiques actuelles. Au-delà de l’imaginaire, Payvagues porte une dimension critique qui dit l’urgence de restaurer des rapports sensibles au vivant.
Après Explorizons (Lanskine, 2021), Florence Jou poursuit ses recherches sur les formes hybrides, empruntant à l’écoféminisme et à la science-fiction. Payvagues est de ces traversées qui interrogent les pratiques du paysage et les sonorités. Plus qu’il ne se lit, ce texte s’énonce et s’écoute, comme dans son adaptation scénique partagée par Florence Jou et Valérie Vivancos. C’est un objet protéiforme qui se transmet et encourage le lecteur ou la lectrice à prendre l’espace pour le dire. Il me semble que ce recueil s’éprouve, au sens fort du terme. De ma rencontre avec Florence Jou, lors du festival Atlantide à Nantes – là où la poésie prend d’ordinaire peu de place par rapport aux autres genres littéraires –, je retiens cette phrase comme une (re) quête : «On s’ouvre les corps comme des réservoirs de manifestations et de transformations.»
Aujourd'hui dans Collateral, la revue, suite de la quinzaine poétique autour des états généraux du poème avec Florence Jou qui offre un extrait de ses très beau "Payvagues" : à découvrir si vous ne connaissez pas encore.