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La geste permanente de Gentil-Cœur

par Fanny Chiarello

Périple permanent

Une jeune joggeuse croisée dans le bassin minier du Pas-de-Calais a inspiré à Fanny Chiarello un roman et cette chanson de geste. Images, vers métrés, langue musicale, mais rien d’épique dans le propos puisqu’on y découvre comment, pendant un mois, tous les jours nombres premiers, la narratrice est allée jusqu’au parc de la jeune athlète sur un vélo en fin de carrière, observant la vie des oiseaux d’eau, subissant la météo, variant ses pique-niques, se trouvant de nouveaux spots de pipi nature, chantant et dansant cajun. La rencontre espérée se produira-t-elle ?

Voir l'image de couverture

 

Lecture d'un extrait par l'autrice

Extrait :

(début du prologue) :

comme toi je débute dans l’existence
encore que pas tout à fait comme toi
admettons par exemple que tu sois née
le onze septembre deux mille un j’étais
moi en un lotissement de Thumesnil
lorsque tu as pénétré dans l’atmosphère
terrestre et des avions percutaient des tours
de New York New York en boucle dedans ce
salon de pavillon parmi des millions
à moins que ce ne fût en octobre et que
ne barbotasse parmi les anableps
gros yeux près de Cayenne ayant ça y est
perdu ton innocence d’aujourd’hui puis
que j’avais jà connu l’amour et le bagne

Un entretien avec Sophie Joubert à La Maison de la Poésie de Paris

+ lecture d'extraits

https://www.youtube.com/watch?v=h9pmWow56Lw

Critiques :Georges Guillain dans LES DÉCOUVREURS a écrit:

"C’est là peut-être que le petit vélo de Fanny Chiarello qui trace sa route, sans écraser, entre tous les réseaux subtils de signification par lesquels il nous fait passer, peut prendre figure aussi d’un art poétique en phase avec les questions d’aujourd’hui. "

Sophie Joubert dans L'HUMANITÉ 20/05/21 a écrit:

Quête du Graal dans le bassin minier
À l'origine, il y a une exposition de photos sur l'été dans le bassin minier, commandée à l'autrice par l'association Colères du présent, et l'image en
noir et blanc, parue en 2019 dans l'Humanité, , d'une jeune joggeuse s'entraînant dans un parc. Fascinée par l'inconnue qui lui rappelait sa propre adolescence, Fanny Chiarello lui a écrit une longue lettre, devenue le roman le Sel de tes yeux (l'Olivier, 2020). Elle y parlait de féminisme, d'homosexualité, de la vie en lotissement, du pouvoir libérateur de l'écriture. Reprenant un motif loin d'être épuisé, elle a enfourché son vieux vélo pour parcourir les 37 kilomètres qui la séparaient du parc Jean-Guimier de Sallaumines et a tenu pendant un mois, uniquement les Jours correspondant à des nombres premiers, une permanence poétique.
L'autrice prend à rebours les exploits héroïques des chevaliers.
Récit en vers de onze pieds, la Geste permanente de Gentil-Cœur est un road trip rythmé par la musique cajun du sud des États-Unis qu'écoute la narratrice. S'inspirant des chansons de geste du Moyen Âge, Fanny Çhiarello prend à rebours les exploits héroïques des chevaliers et détourne les codes de l'épopée guerrière, préférant la lenteur à la vitesse, l'observation patiente à l'efficacité narrative. Chevalière tatouée au crâne rasé pédalant sur une antique machine tendrement baptisée « Mon Biclou », elle s'amuse des efforts des sportifs occasionnels, détaille les jeux de balle des enfants et la composition de son pique-nique, s'émerveille des plantes et des animaux qui peuplent le parc. Long travelling où se superposent les paysages du bassin minier et ceux du pays cajun, le texte donne une impression de mouvement perpétuel, même si la narratrice, qui tient permanence comme on ferait salon, s'impose l'immobilité. Ludique et entraînante, cette chanson de geste contemporaine, qui trouve sa liberté dans les contraintes d'écriture, joue sur les sonorités - assonances, allitérations et onomatopées - et les contrastes entre le vocabulaire médiéval et la modernité technologique. À mesure que passent les jours, au gré d'une météo changeante et capricieuse, l'espoir de croiser à nouveau la jeune joggeuse s'amenuise, transformant cette quête du Graal moderne en aventure intérieure, à l'unisson de la nature.

Emmanuelle Jawad dans DIACRITIK a écrit:

« Je ne sais pas ce qu’est ma langue » : entretien double avec Fanny Chiarello et Vincent Broqua

LYVRES dans LYVRES a écrit:

Long poème en prose, longues chevauchées sur un vieux vélo, à la recherche ou l'attente d'une jeune joggeuse croisée à deux reprises. C'est surprenant, parfois déroutant et franchement j'adore ça. Combien de livres ouvre-t-on et lit-on sans ce petit truc en plus qui surprend, qui titille, qui lutine la zone de confort sise dans le cerveau en lui disant qu'il faut se bouger un peu ? Même si je tente de lire régulièrement ce genre d'ouvrages, parfois ça marche, parfois ça marche pas. Là, ça marche formidablement.


À propos de l’auteur

(Photo © Mandana Nicoukar, 2020)

Fanny Chiarello est née en 1974, elle vit à Lens. À la fois romancière (aux éditions de L’Olivier), autrice jeunesse (L’école des Loisirs, Le Rouergue), et poète (Les Carnets du Dessert de Lune, et désormais l’Attente), elle pratique aussi la photographie. C’est au fil de longues courses à pieds dans les villes ou dans la nature, dans des moments d’observation du monde ou en écoutant des genres de musique très éclectiques qu’elle trouve son inspiration. Elle a été récompensée de prix prestigieux comme Le Prix Landerneau ou le Prix Orange du livre pour son roman « Dans son propre rôle » (éditions de l’Olivier 2015).

Bibliographie

• 1999 : Trois nouvelles dans les recueils collectifs Choisir et Fêter, Page à Page • 2000 : Si encore l'amour durait, je dis pas, Page à page ; Pocket "nouvelles voix" • 2001 : Tu vas me faire mourir, mon lapin, Page à page • 2001 : Les mamies ne portent pas de pantalons, roman pour adolescents, illustrations de Pascale Evrard, Commande de la municipalité de Liévin, diffusion gratuite dans les établissements scolaires et culturels du Nord-Pas-de-Calais ; • 2003 : Push the push button, Page à page ; Pocket • 2003 : La prochaine fois : ciseaux, nouvelle, dans le recueil collectif Lettres d’aveux, Pocket • 2004 : Tout le monde est allongé sur le dos, Page à page ; Pocket • 2004 : Un cow-boy sur le dos, nouvelle pour Lille 2004, in Migrations, Page à Page • 2004 : Body snatchers et coprins noirs d’encre, nouvelle, sur www.ecrivainsenligne.com ; • 2005 :Carnet de voyage à Lille-Moulins, carnet de voyage sous forme d’un coffret de cartes postales, illustrations de Pascal Goudet, Maison Folie de Moulins ; • 2005 : La Fin du chocolat, Les Carnets du dessert de lune • 2006 : Je respire discrètement par le nez, Les Carnets du dessert de lune ; • 2008 : Collier de nouilles, Les Carnets du dessert de lune • 2010 : L'éternité n'est pas si longue, Éditions de L'Olivier ; Points • 2011 : Holden, mon frère, L'École des Loisirs • 2013 : Une faiblesse de Carlotta Delmont, Éditions de L'Olivier • 2013 : Prends garde à toi, L'École des Loisirs • 2014 : Le Blues des petites villes, L'École des Loisirs • 2015 : Banale, L'École des Loisirs • 2015 : Dans son propre rôle, Éditions de L’Olivier Prix Landerneau Découvertes 2015- Prix Orange du Livre 2015 • 2016 : Tombeau de Pamela Sauvage, La contre allée • 2016 : Le Zeppelin, Éditions de L’Olivier • 2016 : Je respire discrètement par le nez , Les Carnets du Dessert de Lune • 2017 : La vitesse sur la peau3, Éditions du Rouergue, collection doado • 2018 : La vie effaçant toutes choses, Éditions de L’Olivier • 2018 : Pas de côté, Les Carnets du Dessert de Lune • 2019 : A happy woman, un mois avec Meredith Monk, L'Olivier • 2020 : Le sel de tes yeux, L'Olivier • 2021 : La geste permanente de Gentil-Cœur, L'Attente