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Mémoires des failles

par Philippe Annocque

Images incertaines

Comment dire la singularité au moyen d’un langage commun ? C’est dans cet élan que s’inscrit Mémoires des failles. Il s’agit de retracer le parcours d’une vie entière (les premières notes concernant ce projet ont plus de trente ans) sans passer ni par l’autobiographie ni par la fiction traditionnelle, en faisant ressurgir les images les plus immédiates sans recourir à une construction vraiment réfléchie. Écrire ce texte n’a jamais cessé d’être une aventure. Ce sont comme des photographies intérieures dont l’auteur est le premier surpris, assis qu’il est coude à coude avec le lecteur. Ces clichés sont rassemblés en albums qui dessinent une vie entière, de l’enfance à la maturité, jusqu’à l’entrée dans l’écriture sans que jamais celui dont le nom est sur la couverture puisse jamais affirmer « J’ai vécu cela ».

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Troisième album, sixième pellicule : amphithéâtre.

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Quand l’Université n’est pas en ruines, elle se trouve parfois reléguée au fin fond d’une province anonyme. (Soi-même, avec Murielle, on n’en a plus pour très longtemps, à vivre à Paris.) On retrouve là-bas l’ancien professeur de stylistique, qu’on aimait tant tous deux, et qui n’a rien perdu de sa fougue d’autrefois : debout sur l’estrade, il se désespère du silence général. « Mais enfin, selon vous, qu’est-ce qui est véritablement signifiant, dans le mot avatar ? » L’amphithéâtre entier reste muet. Alors on se résout à intervenir et à donner une définition du mot, aussi précise que possible, ainsi que les détails de son origine sanskrite. (C’est un souvenir de lycée qu’on livre là. Arrêté dans la lecture d’Aurélia par l’apparition soudaine de ce mot, on a fait une petite recherche dans un dictionnaire spécialisé qui citait, à titre d’exemple littéraire, l’extrait même du texte de Nerval par lequel on venait d’être intrigué. Cette coïncidence était déjà, pour soi-même, un peu plus qu’un hasard.)

Cependant ce n’est pas la réponse attendue par le professeur. On le savait, d’ailleurs. Comment répondre à une telle question ? Comment répondre à une question, quelle qu’elle soit ?

Voilà : il suffisait de dire – c’est ce que le professeur déclare – que ce qu’il y a de plus signifiant dans le mot avatar, c’est sa finale, en -ar.

On reste muet, quelque part entre la rêverie et la perplexité.

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Critiques :Hugues dans Charybde27: Le blog a écrit:

Respectant avec une certaine souplesse la chronologie d’une existence à revivre dans ses fragments, discernant mal, à chaque fois, malgré l’aide apportée par la figure tutélaire de Murielle, ce qui ressort du solide, du dur, de l’indéniable, de ce qui renvoie plutôt au doute, à l’incertitude, au déjà-vu fugace et légèrement angoissant, Philippe Annocque égrène les stations d’un chemin de croix paradoxal, où la légèreté se bat pour triompher du réel et de son poids, où l’invention langagière et la métaphore devenue réalité concourent à l’effort dont la lectrice ou le lecteur se régalent, en direct ou en léger différé.

Alexandre Ponsart dans CCP 31-5 a écrit:

Par cet ouvrage, l’auteur nous invite à (re)vivre une vie qui s’étend de l’enfance à l’âge adulte. C’est un livre autobiographique mais dont le contenu n’est pas vérifiable, car comme il est indiqué sur la couverture à aucun moment l’auteur n’a vécu cela.

Frédéric Lacoste dans Le Courrier de Gironde a écrit:

Loin de l'autobiographie littéraire qui colmate les fissures de la mémoire, Annocque se concentre exclusivement sur ses béances.

Mariette dans Fondation La Poste a écrit:

Les librairies naturellement de plus en plus focalisent l’attention. Celle-ci est petite ; à l’angle de deux rues. On est juste sur le seuil, mais le dos tourné vers l’intérieur du magasin : c’est parce qu’on regarde Murielle sur le trottoir ; très agitée à propos d’un sujet qui nous échappe. D’ailleurs c’est à quelqu’un d’autre, voire à elle-même, qu’elle s’adresse, on trouve juste drôle son excessive animation.

Guillaume Contré dans Le Matricule des Anges a écrit:

Mémoires des failles serait donc ainsi – quand bien même il se propose de retracer une vie de l’enfance à l’âge adulte – un anti livre de mémoire ; une forme d’autobiographie où tout serait faux, invérifiable, apocryphe. L’auteur, dès lors, comme il est proposé sur la couverture, ne pourra jamais affirmer « j’ai vécu cela ».
En savoir plus sur http://www.paperblog.fr/7708810/philippe-annocque-memoires-des-failles/#8cXY13qgG6AWC0K4.99

Eric Elliès dans Critiques libres a écrit:

« Mémoires des failles » est une sorte d’OVNI littéraire qui, partant du constat que la somme de nos souvenirs est très inférieure à celle de nos instants vécus, retrace la biographie du narrateur en déroulant l’album-souvenir des moments perdus dans les failles d’une mémoire poreuse et profondément lézardée. Le paradoxe de l'argument est résolu par l’existence d’archives, qui ont enregistré sur pellicule ces moments oubliés, mais que le narrateur peine à décrire car il n’est pas sûr de les avoir vraiment vécus...

Claro dans Le clavier cannibal a écrit:

Mémoires des failles accumule, avec une patience de Petit Poucet, les moments inaperçus de l'existence, tout entière imbibée de magie et d'injustice, et sous couvert d'un ton rêveur, au fil des micro-récits qui composent sa matière mercuriale, impose sa musique entêtante


À propos de l’auteur

Philippe Annocque, dubitatif quant à la mention « Du même auteur » qui commence à accompagner ses livres, répond cependant quand on l’appelle par son nom, par souci de commodité. Ses papiers le disent né en 1963, il veut bien les croire. D’origines variées, animé de passions diverses et hétéroclites, il écrit des livres qui lui ressemblent sans pour autant se ressembler entre eux : disparates et convergents, nés de la question de l’identité.
Il anime à l’occasion des ateliers et des rencontres en milieu scolaire et tient Hublots, un blog littéraire bien connu.

Bibliographie

Les singes rouges, Quidam, 2020 • Seule la nuit tombe dans ses bras, Quidam, 2019 • Elise et Lise, Quidam, 2017 • Pas Liev, Quidam, 2015 • Mémoires des failles, l'Attente, 2015 • Vie des hauts plateaux, Louise Bottu, 2014 • Rien (qu’une affaire de regard), Seuil 2001, rééd. Quidam, 2014 • Monsieur Le Comte au pied de la lettre, Quidam, 2010 • Liquide, Quidam, 2009 • Par temps clair, Melville, 2006 • Chroniques imaginaires de la mort vive, Melville, 2005 /// Recueil de poèmes pour la jeunesseDans mon oreille, illustré par Henri Galeron, Motus (septembre 2013). /// En revue • "Tu", dans L’Anacoluthe n°13, été 2010.