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Une limonade pour Kafka

par Xavier Person

L'angoisse du critique au moment du poétique
Avec le soutien du Centre National du Livre

Comment écrire pour les coquelicots ? Pourquoi écrire encore aujourd’hui ? Comment écrire sans écrire ? Comment écrire pour ne rien dire ? Que faire de sa maladresse ? Sur des livres de Paul Celan, Hélène Cixous, Emmanuel Hocquard, Hubert Lucot, Claude Royet-Journoud et quelques autres, Une limonade pour Kafka propose des essais d’improvisations critiques. Comme autant de tentatives de marcher sur un fil.

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Extrait :

Des phrases se décomposent au ralenti, juste pressenties, qu’on ne saurait voir exactement, comme au départ des rêves, alors que tout s’évanouit dans des images en déliquescence ou en fuite, défaites aussitôt qu’apparues, dont on suivrait la progression selon des modalités flottantes, des imprécisions floues, comme si on se déplaçait dans une ouate ou si nos yeux se fermaient peu à peu, malgré nous, ne nous donnant plus à voir qu’un brouillard où ne presque plus rien distinguer, où s’avancer encore, imperceptiblement, plongé dans ce que notre sommeil finalement nous dérobe, découvrant des espaces qu’on ne saurait réellement parcourir, devenu à soi-même un personnage mystérieux, reconnu plus tard pour n’être autre que soi-même, évoluant dans un rêve dont on ne se souviendra pas exactement, quâ€

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™on ne saurait réellement voir, dans cette dilution de toutes formes, avec à un moment la très nette sensation de perdre la vue, ressentant comme un poids sur mes paupières, ne distinguant bientôt presque plus rien, avançant sans presque rien pouvoir écrire, dans une obscurité ensuite où simplement toucher un mur, n’ayant plus devant lui que ce mur, n’ayant rien devant lui que ce qu’il ne parvient pas à voir, obstacle muet, opaque matière de ses phrases rendues à leur seule apparition, qu’il est finalement très difficile de percevoir en tant que phrases tant elles glissent, se fondent l’une dans l’autre, sous nos yeux se défont, improbable matière peu à peu constituée, dont on sait la découvrant qu’on ne pourra rien retenir, comme il en est des rêves parfois, s’évanouissant à mesure de leur apparition, percevant bien que de ces phrases il n’est pas nécessaire de se souvenir, non plus qu’il ne serait nécessaire de tenter de définir la couleur d’une matière translucide, se contentant d’en voir ou d’en toucher le volume…

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Critiques :Eric Loret dans Libération a écrit:

Il y a dans la lecture une négation, une impossibilité. Dans l'écriture aussi. L'un et l'autre de ces manques sont productifs, le moteur c'est ce qui n'est pas encore : «J'écris ceci dans mon nouvel appartement où je ne sais pas encore comment vivre. Il fait nuit. Une fenêtre dans la cour s'est éclairée. Je me tiens dans l'obscurité et j'écris ceci en regardant ce que je vais voir apparaître à cette fenêtre, à cette seule fenêtre allumée dans la nuit encore, j'écris ceci en attendant.» Plusieurs textes de ce recueil concernent l'œuvre d'Emmanuel Hocquard, mais il y a aussi Hubert Lucot ou Hélène Cixous. C'est une communauté.

Véronique Pittolo dans Poezibao a écrit:

Il arrive que l’écriture critique soit un échauffement, un exercice pour plus tard, quand l’écriture viendra vraiment, dans une décision de la chose finie, de l’œuvre élaborée. La parole critique précède ou excède le texte littéraire, au lieu d’en être le commentaire (faire valoir, éloge, jugement). Il arrive aussi qu’on ne fasse pas la différence entre l’une et l’autre, que le texte critique ne soit que prétexte à effusion poétique, à discours sur la fiction, dans une boucle, une mise en abîme de la jouissance de l’écriture. Nous voyons ceci dans l’œuvre de Roland Barthes, et dans ce livre attachant de Xavier Person, qui rassemble des textes parus précédemment dans des revues et publications confidentielles.

MARCELLINE ROUX dans Culture Chronique a écrit:

Mes lambeaux d’étoffe ont aimé être mis en abyme et je fais le pari que de nombreux lecteurs éprouveront la même soif de vos pages et pas seulement pour percer le mystère de la limonade !


À propos de l’auteur

Né en 1962, Xavier Person est écrivain et critique. Il a longtemps publié des chroniques littéraires pour la revue Le Matricule des anges. Il a été critique aux Mardis littéraires, puis à l’Atelier littéraire sur France Culture. De 2005 à 2013, il a été membre du comité de rédaction de la revue CCP, cahier critique de poésie du centre international de Poésie de Marseille.
Selon Véronique Pittolo, "Xavier Person souligne [dans ses ouvrages] l’importance de son parcours de lecteur, l’envahissement des livres des autres sur son désir d’écrire. De la difficulté à s’affranchir de ce qu’on a lu, de ce qu’on a aimé. Une lecture intensive peut-elle empêcher de trouver son style ? Comment se débarrasser des références ? […] Souvenirs éclatés, fragments sollicités, égarés, retrouvés, éclairés autrement, la froideur du jugement est reléguée par la puissance du rêve, du passé, de l’impossible retour. Approfondir des idées est moins grand qu’approfondir des réminiscences… L’intelligence ne crée pas, elle ne fait que débrouiller."

Bibliographie

- Une limonade pour Kafka, L'Attente, 2014 - Extravague, Le bleu du ciel, 2009 - Propositions d’activités, Le bleu du ciel, 2007