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Déplacer le silence

par Etel Adnan

Prose philosophique
Avec le soutien du Centre national du livre

Méditation poignante sur le vieillissement, le deuil et l’expérience universelle de la confrontation avec la mort. Dans des paragraphes courts et implacables, Etel Adnan délibère sur l’étendue de sa vie à quatre-vingt-quinze ans, le processus du vieillissement et l’approche de sa propre mort. L’aspect personnel est continuellement projeté vers l’extérieur et reflété en retour par des observations sur la catastrophe climatique, la guerre en Syrie, les missions sur Mars et la vue qu’Adnan a de la mer depuis sa fenêtre en Bretagne, dans une interaction saisissante entre l’intérieur et le cosmique. 

Extrait :

(p. 25-26) :
Je veux aller dans ces endroits que mes rêves déploient ou qui s’étalent sur des cartes postales ou des publicités. Ce désir pourrait être pathétique, mais il ne l’est pas car son intensité le rachète. Cette nuit, j’ai regardé sur internet les montagnes rouges du sud de la France. Elles sont faites de porphyre. Elles sont aussi rouges que certaines montagnes d’Oman ou d’autres en Arizona. Nous sommes sur une planète soutenue par rien, entraînée à travers le pur espace par une énergique étoile de feu, en ébullition constante. Nous voyageons sur des terres voyageuses. Avancer, toujours avancer.

J’ai jeté ma boussole dans les vagues. Elle avait été utilisée par les Arabes pour voyager jusqu’en Chine et, malheureusement, par les colonisateurs qui ont suivi. Je l’ai jetée. J’ignore la suite et ne veux pas la connaître car je me suis également débarrassée de ma curiosité.

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Que reste-t-il ? Cette saison de chaleur et de vent, le dîner de ce soir, et ces larges bandes de vagues frémissantes aux différentes nuances de vert qui me fendent le cœur avec leur incroyable beauté.

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Critiques :Christian Rosset dans DIACRITIK a écrit:

La richesse de ce petit livre de méditations est inouïe. Partant de propositions assez simples, d’observations justes, ou encore de récits de rêves, elle atteint, côté formulation, des sommets...

Coup de coeur dans Librairie L'Esperluette a écrit:

Ce livre est la promesse d'un plein de vibrations et de couleurs, de fulgurances sensibles et esthétiques.

Camille Cloarec dans Le Matricules des Anges N°230 a écrit:

Etel Adnan nous transmet un ensemble infiniment précieux sur lequel nous pouvons nous attarder et nous appuyer, afin de prolonger son existence ici-bas tout en gardant à l’esprit l’un de ses derniers conseils : « Soyez planétaires ».

Adrien Meignan dans UN DERNIER LIVRE AVANT LA FIN DU MONDE a écrit:

Ce réconfort, on le trouve malgré le bouleversement que provoque en cette voix les traumatismes du monde. Cette dame de 95 ans ne nous fait pas la leçon. Nous ne sommes pas ici dans le cliché de la sagesse de l’âge. Etel Adnan écrit ces paragraphes comme un geste de peintre, pratique qu’elle exerça en parallèle de l’écriture. Il y a ici aucune figuration. La voix peut autant parler d’elle-même, d’un repas avec des amis, d’un séjour à Paris que de l’héritage de la mythologie grecque, aux explorations sur Mars. Etel Adnan apparaît dans Déplacer le silence comme traversée par une multitude de rayons lumineux.

Eric Pessan dans Chronique Facebook a écrit:

En commençant à chercher des fragments à recopier pour présenter ce livre, j’ai été confronté à la difficulté de choisir, j’en ai copié quatre, j’aurais pu recopier le livre entier.
Peintre, poète et professeure de philosophie, multiculturelle (née à Beyrouth d’une mère grecque et d’un père syrien, elle a vécu en France comme aux États-Unis), Etel Adnan mêle poésie et méditation dans ces textes. Ici il est question de vieillesse (elle est morte le 14 novembre dernier, âgée de 96 ans), mais aussi de convoquer la beauté et les horreurs du monde : les paysages, la nature, la lumière qu’elle considère avec son regard de peintre sont mis en balance avec le réchauffement climatique, la révolution manquée des gilets jaunes, l’arrivée du covid…. avec toujours une immense fascination pour la technique, le spatial et son exploration.
Je réalise que j’ai employé le mot « méditation » plutôt que « philosophie », sans doute parce qu’à mes yeux, la pensée philosophique s’étaye à l’aide de références tandis que la pensée des poèmes d’Adnan s’appuie sur sa propre vie, sur le sensible, sur l’expérience d’être au monde, sur une désarmante simplicité qui n’exclue pas la profondeur.
« Déplacer le silence » est une belle expérience de lecture, à la fois cérébrale, esthétique et sensible, comme toujours dans les écrits d'Etel Adnan.


À propos de l’auteur

Née en 1925 à Beyrouth d’une mère grecque et d’un père syrien, Etel Adnan est morte le 14 novembre 2021 à Paris. Elle a étudié la philosophie à la Sorbonne, puis aux États-Unis à Berkeley et Harvard, matière qu’elle a ensuite enseignée au Dominican College de San Rafael (Californie) entre 1958 et 1972. En solidarité avec la guerre d’indépendance en Algérie, résistant à écrire en français, elle s’est tournée vers les arts plastiques. Elle a participé au mouvement des poètes contre la guerre du Vietnam et est devenue selon ses mots « an American poet ».

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De retour à Beyrouth en 1972 et jusqu’en 1976 elle a dirigé les pages culture de deux quotidiens, d’abord Al Safa, puis L’Orient le Jour. Elle a également écrit des textes pour deux documentaires sur la guerre civile au Liban, diffusés à la télévision.
En 1977, son roman Sitt Marie-Rose a été publié aux éditions Des Femmes (Paris) et a reçu le prix “France-Pays Arabes”. Ce livre, devenu un classique de la littérature de guerre (à l’intersection des questions de genre) a été traduit en plus de dix langues. Il a été réédité en 2010 par les éditions Libano-Françaises Tamyras, ainsi que deux autres livres : Au cœur du cœur d'un autre pays (2010), et Paris mis à nu (2011).
Avec sa compagne l’artiste Simone Fattal, Etel Adnan a vécu à Paris jusqu'à sa mort. Polyglotte, elle a écrit en français, anglais ou arabe des livres relevant de tous les genres littéraires : poésie, roman, essai, récit épistolaire, autobiographie… Plusieurs de ses poèmes ont été mis en musique par Gavin Bryars, Henry Threadgill, Tania Leon et Zad Moultaka. Elle a par ailleurs écrit la partie française de l’opéra de Bob Wilson The CIVIL warS, ainsi que plusieurs pièces de théâtre produites à San Francisco, Paris et Düsseldorf.
Également artiste peintre, Etel Adnan expose aux États-Unis, en Europe, en Asie et dans le monde arabe.

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Bibliographie

Déplacer le silence, trad. Françoise Valéry, coll. Philox, L'Attente, 2022 • Voyage, guerre, exil, L’Échoppe, 2020 • Un printemps inattendu, (entretiens), Galerie Lelong, 2020 • Grandir et devenir poète au Liban, L’Échoppe, 2019 • Surgir, trad. Pascal Poyet, coll. Philox, L'Attente, 2019 • Nuit, trad. Françoise Despalles, coll. Philox, L'Attente, 2017 • La vie est un tissage, Galerie Lelong, 2016 • À propos de la fin de l’Empire Ottoman, Galerie Lelong, 2015 • Heiner Müller et Le Tintoret : la fin possible de l’effroi, Galerie Lelong, 2015 • Mer et Brouillard, trad. Jérémy Victor Robert, coll. Philox, L’Attente, 2015 • Le maître de l’éclipse, trad. Martin Richet, Manuella Éditions, 2015 • Le prix que nous ne voulons pas payer pour l’amour, trad. Patrice Cotensin, Galerie Lelong, 2015 • Prémonition, galerie Lelong, 2015 • Écrire dans une langue étrangère, trad. Patrice Cotensin, L’Échoppe, 2014 • Des villes et des femmes, Tamyras, 2014 • Voyage au Mont Tamalpaïs, Manuella Éditions, 2013 Là-bas, trad. Marie Borel & Françoise Valéry, coll. Philox, L’Attente, 2013 • Conversation avec Hans Ulrich Obrist, Manuella Éditions, 2012 • Le Cycle des Tilleuls, trad. Martin Richet, Al Manar, 2012 • Paris mis à nu, trad. Martin Richet, Tamyras, 2011 • Au cœur du cœur d’un autre pays, traduction Éric Giraud, Tamyras, 2010 • À deux heures de l’après-midi, édition bilingue (français-arabe), Tunis, Tawbad, 2010 • Retour de Londres, édition bilingue (français-arabe), Tunis, Tawbad, 2010 • Ce ciel qui n’est pas, poésie, édition bilingue (français-arabe), illustrations (encres) Maya Le Meur, Tunis, Tawbad, 2008 • Le 27 octobre 2003, édition quadrilingue (français-anglais-arabe-japonais), Tunis, Tawbad, 2008 • Vendredi 25 mars à 16 heures, édition bilingue (français-arabe), Tunis, Tawbad, 2007 • Jennine, avec rachid Koraïchi, collection Combats, Al Manar, 2004 • Ce ciel qui n’est pas, Poésie, Paris, L’Harmattan, 1997 • Rachid Korachi : Écriture passion, avec Rachid Korachi et Jamel-Eddine Bencheikh, Alger, galerie Mhamed Issiakhem, 1988 • L’Apocalypse arabe, Paris, éditions Papyrus, 1980, réédition L’Harmattan, 2010 • Sitt Marie Rose, Paris, Des Femmes, 1978 ; réédition Tamyras, 2010 • Jbu : Suivi de l’Express Beyrouth enfer, Paris, P.-J. Oswald, 1973