par
- Contes liquides
- Expériences à l'étang
- Individu premier
- La revanche de la pelouse
- Expansion sans profondeur
- Conversation avec les plis
- Loin
- Là-bas
- Une limonade pour Kafka
- Le parfum du jour est fraise
- Mer et brouillard
- Au centuple
- Nuit
- Va te faire foutre – aloha – je t'aime
- Surgir
- En voie d'abstraction
- Déplacer le silence
- Nous abstraire
Prose philosophique
Avec le soutien du Centre national du livre
Méditation poignante sur le vieillissement, le deuil et l’expérience universelle de la confrontation avec la mort. Dans des paragraphes courts et implacables, Etel Adnan délibère sur l’étendue de sa vie à quatre-vingt-quinze ans, le processus du vieillissement et l’approche de sa propre mort. L’aspect personnel est continuellement projeté vers l’extérieur et reflété en retour par des observations sur la catastrophe climatique, la guerre en Syrie, les missions sur Mars et la vue qu’Adnan a de la mer depuis sa fenêtre en Bretagne, dans une interaction saisissante entre l’intérieur et le cosmique.
Traducteurs :
Thématiques :
(p. 25-26) :
Je veux aller dans ces endroits que mes rêves déploient ou qui s’étalent sur des cartes postales ou des publicités. Ce désir pourrait être pathétique, mais il ne l’est pas car son intensité le rachète. Cette nuit, j’ai regardé sur internet les montagnes rouges du sud de la France. Elles sont faites de porphyre. Elles sont aussi rouges que certaines montagnes d’Oman ou d’autres en Arizona. Nous sommes sur une planète soutenue par rien, entraînée à travers le pur espace par une énergique étoile de feu, en ébullition constante. Nous voyageons sur des terres voyageuses. Avancer, toujours avancer.
J’ai jeté ma boussole dans les vagues. Elle avait été utilisée par les Arabes pour voyager jusqu’en Chine et, malheureusement, par les colonisateurs qui ont suivi. Je l’ai jetée. J’ignore la suite et ne veux pas la connaître car je me suis également débarrassée de ma curiosité.
LIRE PLUSQue reste-t-il ? Cette saison de chaleur et de vent, le dîner de ce soir, et ces larges bandes de vagues frémissantes aux différentes nuances de vert qui me fendent le cœur avec leur incroyable beauté.
REGROUPERCoup de coeur dans Librairie L'Esperluette a écrit:La richesse de ce petit livre de méditations est inouïe. Partant de propositions assez simples, d’observations justes, ou encore de récits de rêves, elle atteint, côté formulation, des sommets...
Camille Cloarec dans Le Matricules des Anges N°230 a écrit:Ce livre est la promesse d'un plein de vibrations et de couleurs, de fulgurances sensibles et esthétiques.
Adrien Meignan dans UN DERNIER LIVRE AVANT LA FIN DU MONDE a écrit:Etel Adnan nous transmet un ensemble infiniment précieux sur lequel nous pouvons nous attarder et nous appuyer, afin de prolonger son existence ici-bas tout en gardant à l’esprit l’un de ses derniers conseils : « Soyez planétaires ».
Eric Pessan dans Chronique Facebook a écrit:Ce réconfort, on le trouve malgré le bouleversement que provoque en cette voix les traumatismes du monde. Cette dame de 95 ans ne nous fait pas la leçon. Nous ne sommes pas ici dans le cliché de la sagesse de l’âge. Etel Adnan écrit ces paragraphes comme un geste de peintre, pratique qu’elle exerça en parallèle de l’écriture. Il y a ici aucune figuration. La voix peut autant parler d’elle-même, d’un repas avec des amis, d’un séjour à Paris que de l’héritage de la mythologie grecque, aux explorations sur Mars. Etel Adnan apparaît dans Déplacer le silence comme traversée par une multitude de rayons lumineux.
En commençant à chercher des fragments à recopier pour présenter ce livre, j’ai été confronté à la difficulté de choisir, j’en ai copié quatre, j’aurais pu recopier le livre entier.
Peintre, poète et professeure de philosophie, multiculturelle (née à Beyrouth d’une mère grecque et d’un père syrien, elle a vécu en France comme aux États-Unis), Etel Adnan mêle poésie et méditation dans ces textes. Ici il est question de vieillesse (elle est morte le 14 novembre dernier, âgée de 96 ans), mais aussi de convoquer la beauté et les horreurs du monde : les paysages, la nature, la lumière qu’elle considère avec son regard de peintre sont mis en balance avec le réchauffement climatique, la révolution manquée des gilets jaunes, l’arrivée du covid…. avec toujours une immense fascination pour la technique, le spatial et son exploration.
Je réalise que j’ai employé le mot « méditation » plutôt que « philosophie », sans doute parce qu’à mes yeux, la pensée philosophique s’étaye à l’aide de références tandis que la pensée des poèmes d’Adnan s’appuie sur sa propre vie, sur le sensible, sur l’expérience d’être au monde, sur une désarmante simplicité qui n’exclue pas la profondeur.
« Déplacer le silence » est une belle expérience de lecture, à la fois cérébrale, esthétique et sensible, comme toujours dans les écrits d'Etel Adnan.