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Déplacer le silence

par Etel Adnan

Prose philosophique
Avec le soutien du Centre national du livre

Méditation poignante sur le vieillissement, le deuil et l’expérience universelle de la confrontation avec la mort. Dans des paragraphes courts et implacables, Etel Adnan délibère sur l’étendue de sa vie à quatre-vingt-quinze ans, le processus du vieillissement et l’approche de sa propre mort. L’aspect personnel est continuellement projeté vers l’extérieur et reflété en retour par des observations sur la catastrophe climatique, la guerre en Syrie, les missions sur Mars et la vue qu’Adnan a de la mer depuis sa fenêtre en Bretagne, dans une interaction saisissante entre l’intérieur et le cosmique. 

Extrait :

(p. 25-26) :
Je veux aller dans ces endroits que mes rêves déploient ou qui s’étalent sur des cartes postales ou des publicités. Ce désir pourrait être pathétique, mais il ne l’est pas car son intensité le rachète. Cette nuit, j’ai regardé sur internet les montagnes rouges du sud de la France. Elles sont faites de porphyre. Elles sont aussi rouges que certaines montagnes d’Oman ou d’autres en Arizona. Nous sommes sur une planète soutenue par rien, entraînée à travers le pur espace par une énergique étoile de feu, en ébullition constante. Nous voyageons sur des terres voyageuses. Avancer, toujours avancer.

J’ai jeté ma boussole dans les vagues. Elle avait été utilisée par les Arabes pour voyager jusqu’en Chine et, malheureusement, par les colonisateurs qui ont suivi. Je l’ai jetée. J’ignore la suite et ne veux pas la connaître car je me suis également débarrassée de ma curiosité.

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Que reste-t-il ? Cette saison de chaleur et de vent, le dîner de ce soir, et ces larges bandes de vagues frémissantes aux différentes nuances de vert qui me fendent le cœur avec leur incroyable beauté.

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Critiques :Christian Rosset dans DIACRITIK a écrit:

La richesse de ce petit livre de méditations est inouïe. Partant de propositions assez simples, d’observations justes, ou encore de récits de rêves, elle atteint, côté formulation, des sommets...

Coup de coeur dans Librairie L'Esperluette a écrit:

Ce livre est la promesse d'un plein de vibrations et de couleurs, de fulgurances sensibles et esthétiques.

Camille Cloarec dans Le Matricules des Anges N°230 a écrit:

Etel Adnan nous transmet un ensemble infiniment précieux sur lequel nous pouvons nous attarder et nous appuyer, afin de prolonger son existence ici-bas tout en gardant à l’esprit l’un de ses derniers conseils : « Soyez planétaires ».

Adrien Meignan dans UN DERNIER LIVRE AVANT LA FIN DU MONDE a écrit:

Ce réconfort, on le trouve malgré le bouleversement que provoque en cette voix les traumatismes du monde. Cette dame de 95 ans ne nous fait pas la leçon. Nous ne sommes pas ici dans le cliché de la sagesse de l’âge. Etel Adnan écrit ces paragraphes comme un geste de peintre, pratique qu’elle exerça en parallèle de l’écriture. Il y a ici aucune figuration. La voix peut autant parler d’elle-même, d’un repas avec des amis, d’un séjour à Paris que de l’héritage de la mythologie grecque, aux explorations sur Mars. Etel Adnan apparaît dans Déplacer le silence comme traversée par une multitude de rayons lumineux.

Eric Pessan dans Chronique Facebook a écrit:

En commençant à chercher des fragments à recopier pour présenter ce livre, j’ai été confronté à la difficulté de choisir, j’en ai copié quatre, j’aurais pu recopier le livre entier.
Peintre, poète et professeure de philosophie, multiculturelle (née à Beyrouth d’une mère grecque et d’un père syrien, elle a vécu en France comme aux États-Unis), Etel Adnan mêle poésie et méditation dans ces textes. Ici il est question de vieillesse (elle est morte le 14 novembre dernier, âgée de 96 ans), mais aussi de convoquer la beauté et les horreurs du monde : les paysages, la nature, la lumière qu’elle considère avec son regard de peintre sont mis en balance avec le réchauffement climatique, la révolution manquée des gilets jaunes, l’arrivée du covid…. avec toujours une immense fascination pour la technique, le spatial et son exploration.
Je réalise que j’ai employé le mot « méditation » plutôt que « philosophie », sans doute parce qu’à mes yeux, la pensée philosophique s’étaye à l’aide de références tandis que la pensée des poèmes d’Adnan s’appuie sur sa propre vie, sur le sensible, sur l’expérience d’être au monde, sur une désarmante simplicité qui n’exclue pas la profondeur.
« Déplacer le silence » est une belle expérience de lecture, à la fois cérébrale, esthétique et sensible, comme toujours dans les écrits d'Etel Adnan.


À propos de l’auteur

Née en 1925 à Beyrouth d’une mère grecque et d’un père syrien, Etel Adnan est morte le 14 novembre 2021 à Paris. Elle a étudié la philosophie à la Sorbonne, puis aux États-Unis à Berkeley et Harvard, matière qu’elle a ensuite enseignée au Dominican College de San Rafael (Californie) entre 1958 et 1972. En solidarité avec la guerre d’indépendance en Algérie, résistant à écrire en français, elle s’est tournée vers les arts plastiques. Elle a participé au mouvement des poètes contre la guerre du Vietnam et est devenue selon ses mots « an American poet ».

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De retour à Beyrouth en 1972 et jusqu’en 1976 elle a dirigé les pages culture de deux quotidiens, d’abord Al Safa, puis L’Orient le Jour. Elle a également écrit des textes pour deux documentaires sur la guerre civile au Liban, diffusés à la télévision.
En 1977, son roman Sitt Marie-Rose a été publié aux éditions Des Femmes (Paris) et a reçu le prix “France-Pays Arabes”. Ce livre, devenu un classique de la littérature de guerre (à l’intersection des questions de genre) a été traduit en plus de dix langues. Il a été réédité en 2010 par les éditions Libano-Françaises Tamyras, ainsi que deux autres livres : Au cœur du cœur d'un autre pays (2010), et Paris mis à nu (2011).
Avec sa compagne l’artiste Simone Fattal, Etel Adnan a vécu à Paris jusqu'à sa mort. Polyglotte, elle a écrit en français, anglais ou arabe des livres relevant de tous les genres littéraires : poésie, roman, essai, récit épistolaire, autobiographie… Plusieurs de ses poèmes ont été mis en musique par Gavin Bryars, Henry Threadgill, Tania Leon et Zad Moultaka. Elle a par ailleurs écrit la partie française de l’opéra de Bob Wilson The CIVIL warS, ainsi que plusieurs pièces de théâtre produites à San Francisco, Paris et Düsseldorf.
Également artiste peintre, Etel Adnan expose aux États-Unis, en Europe, en Asie et dans le monde arabe.

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Bibliographie

Déplacer le silence, trad. Françoise Valéry, coll. Philox, L'Attente, 2022 • Voyage, guerre, exil, L’Échoppe, 2020 • Un printemps inattendu, (entretiens), Galerie Lelong, 2020 • Grandir et devenir poète au Liban, L’Échoppe, 2019 • Surgir, trad. Pascal Poyet, coll. Philox, L'Attente, 2019 • Nuit, trad. Françoise Despalles, coll. Philox, L'Attente, 2017 • La vie est un tissage, Galerie Lelong, 2016 • À propos de la fin de l’Empire Ottoman, Galerie Lelong, 2015 • Heiner Müller et Le Tintoret : la fin possible de l’effroi, Galerie Lelong, 2015 • Mer et Brouillard, trad. Jérémy Victor Robert, coll. Philox, L’Attente, 2015 • Le maître de l’éclipse, trad. Martin Richet, Manuella Éditions, 2015 • Le prix que nous ne voulons pas payer pour l’amour, trad. Patrice Cotensin, Galerie Lelong, 2015 • Prémonition, galerie Lelong, 2015 • Écrire dans une langue étrangère, trad. Patrice Cotensin, L’Échoppe, 2014 • Des villes et des femmes, Tamyras, 2014 • Voyage au Mont Tamalpaïs, Manuella Éditions, 2013 Là-bas, trad. Marie Borel & Françoise Valéry, coll. Philox, L’Attente, 2013 • Conversation avec Hans Ulrich Obrist, Manuella Éditions, 2012 • Le Cycle des Tilleuls, trad. Martin Richet, Al Manar, 2012 • Paris mis à nu, trad. Martin Richet, Tamyras, 2011 • Au cœur du cœur d’un autre pays, traduction Éric Giraud, Tamyras, 2010 • À deux heures de l’après-midi, édition bilingue (français-arabe), Tunis, Tawbad, 2010 • Retour de Londres, édition bilingue (français-arabe), Tunis, Tawbad, 2010 • Ce ciel qui n’est pas, poésie, édition bilingue (français-arabe), illustrations (encres) Maya Le Meur, Tunis, Tawbad, 2008 • Le 27 octobre 2003, édition quadrilingue (français-anglais-arabe-japonais), Tunis, Tawbad, 2008 • Vendredi 25 mars à 16 heures, édition bilingue (français-arabe), Tunis, Tawbad, 2007 • Jennine, avec rachid Koraïchi, collection Combats, Al Manar, 2004 • Ce ciel qui n’est pas, Poésie, Paris, L’Harmattan, 1997 • Rachid Korachi : Écriture passion, avec Rachid Korachi et Jamel-Eddine Bencheikh, Alger, galerie Mhamed Issiakhem, 1988 • L’Apocalypse arabe, Paris, éditions Papyrus, 1980, réédition L’Harmattan, 2010 • Sitt Marie Rose, Paris, Des Femmes, 1978 ; réédition Tamyras, 2010 • Jbu : Suivi de l’Express Beyrouth enfer, Paris, P.-J. Oswald, 1973


Format Américain – l’intégrale (1993-2006)

par Juliette Valéry

Couverture d’ouvrage : Format Américain – l’intégrale (1993-2006)
Fiche technique :Prix: 39,00 €
ISBN : 978-2-36242-099-3
Taille : 15,00 x 19,00 cm
Pages : 1 120

1120 pages collector

De 1993 à 2006, la collection « Format Américain », dirigée par Juliette Valéry, a été diffusée auprès des adhérents de l’association Un Bureau sur l’Atlantique, fondée par Emmanuel Hocquard, sous forme de livrets imprimés en photocopie. 44 livrets de 20 pages en moyenne sont parus, présentant des textes de poètes contemporains américains traduits par des poètes français, parfois traduits collectivement lors d’ateliers ou de séminaires avec des étudiants en écoles d’art.
Un seul volume de plus de mille pages rassemble la totalité de la collection augmentée de quatre inédits, trois hors-série, une préface et un index exhaustif des auteurs et des traducteurs. Les compositions photographiques des couvertures des livrets réalisées par Juliette Valéry ont été remasterisées et ponctuent l’ouvrage.

48 titres de John Ashbery, Helena Bennett, Charles Bernstein, Joe Brainard, Lee Ann Brown, Abigail Child, Norma Cole, William Corbett, Robert Creeley, Ray DiPalma, Stacy Doris, Larry Eigner, Barbara Einzig, Jerry Estrin, Kathleen Fraser, Peter Gizzi, Lyn Hejinian, Benjamin Hollander, Susan Howe, Lisa Jarnot, Julie Kalendek, Lisa Lubasch, Bill Luoma, Bernadette Mayer, George Oppen, Jena Osman, Michael Palmer, Bob Perelman, Kristin Prevallet, Joan Retallack, Rod Smith, Juliana Spahr, Jack Spicer, Cole Swensen, John Taggart, Keith Waldrop, Rosmarie Waldrop, Elizabeth Willis + des bonus

traduits par Pierre Alferi, Jean-Paul Auxeméry, Marie Borel, Oscarine Bosquet, Alain Cressan, Jacques Demarcq, Caroline Dubois, Holly Dye, Éric Giraud, Joseph Guglielmi, Emmanuel Hocquard, Paol Keineg, Abigail Lang, Françoise de Laroque, Sydney Levy, Virginie Poitrasson, Pascal Poyet, Jacques Roubaud, Anne Talvaz, Gilles A. Tiberghien, Juliette Valéry, Jean-Jacques Viton, et les nombreux participants aux traductions collectives.

Voir le "catalogue" de la collection

Critiques :Yves di Manno dans DIACRITIK a écrit:

"C’est l’intégralité de ces petits livres (auxquels ont été ajoutés quatre titres inédits, qui n’avaient pas pu paraître à l’époque) que les éditions de l’Attente viennent de remettre au jour, en un imposant volume de 1120 pages. Il convient tout d’abord de saluer le courage (ou l’inconscience – mais c’est la même chose) que représente la publication d’un ouvrage d’une telle ampleur pour une structure éditoriale aussi modeste, même si l’Attente s’est affirmée depuis plus de vingt ans comme l’un des relais importants de la poésie contemporaine."

Amanda Murphy dans En attendant Nadeau a écrit:

L’imposant volume Format américain. L’intégrale (1993-2006) donne à voir une expérience : un collectif (Un bureau sur l’Atlantique), une idée, un projet, un format pour diffuser de la poésie américaine en France. Le recueil publié en 2021 ne nous fournit pas seulement un ensemble de poèmes, il nous expose à l’envergure de cette entreprise et enrichit les textes d’un précieux regard critique.

Christian Rosset dans DIACRITIK a écrit:

Quelque chose d’à la fois commun dans sa fabrication et de relativement prestigieux par son contenu et sa mise en page. Très sélectif et en même temps ouvert : les grands noms de la poésie américaine de l’après-guerre y sont, de John Ashbery à Charles Bernstein, de Jack Spicer à Suzan Howe, de George Oppen à Cole Swensen, de Robert Creeley à Keith et Rosmarie Waldrop – et beaucoup d’autres, dont quelques inconnu(e)s que l’on a d’autant plus plaisir à découvrir.

Adrien Meignan dans UN DERNIER LIVRE AVANT LA FIN DU MONDE a écrit:

À l’occasion de la sortie de Format Américain – l’intégrale, regroupant les titres de la collection dirigée par Juliette Valéry et Emmanuel Hocquard, nous avons posés trois questions à l’éditeur Franck Pruja. Il nous a généreusement répondu, apportant un éclairage sur la poésie américaine et les relations avec la France.

Emmanuel Laugier dans LE MATRICULE DES ANGES N° 228 a écrit:

Ce faire-là, nul doute qu’il aura opéré pour chacun des ensembles publiés sous forme de livres (définis outre-Atlantique par les mots de « chapbooks » ou « booklets ») dans le projet de publication fondé et dirigé par Juliette Valéry entre 1993 et 2006, sous le nom de Format américain/ Un bureau sur l’Atlantique. Les deux titres accolés sont deux lignes de sorcières tirées vers ce qu’Abigail Lang a nommé très justement une « conversation transatlantique », tant cette collection, qui publia cinquante opus (par affinités, cooptations, rebonds, ricochets, etc.), se construisit aussi de la fréquentation assidue de nombreux poètes français avec la poésie made in U. S. A. Cinquante « booklets » donc, aux traductions souvent collectives (sans aucune version bilingue), en témoignent, ici rassemblés en un format 15x19 cm, dont 7 d’épaisseur, dans leur ordre de parution, et dans un français transformé par l’américain. Les couvertures, reproduites successivement, Juliette Valéry les a conçues selon une logique qu’elle explique précisément. Souvent à bords perdus, constituées de photographies vernaculaires, de saisies d’écran TV, de captures de films et de vidéos, celles-ci annoncent, comme des transferts internes aux poèmes choisis, la voie d’une « attitude dans le réel » (Emmanuel Hocquard) et celle de la « discrète série » chère à George Oppen, aîné de ce volume avec Jack Spicer et quelques autres. On pourrait aussi parler d’un « test de solitude » du poème, que chaque livre tient et reconduit encore autrement vers cet « être en multitude » qu’Oppen, encore une fois, appelait.
Aujourd’hui, ce geste est concrétisé magistralement par les éditions de l’Attente, permettant à ces voix de circuler comme d’être le témoin du travail formidable des recherches de Juliette Valéry. On ne peut amorcer la description de Format américain sans d’abord évoquer Rosmarie Waldrop, immense poétesse installée avec son mari Keith à Providence (Rhode Island), traductrice et fondatrice des éditions Burning Deck (1961-2017), tant elle impressionne parmi toutes les autrices réunies ici et non moins marquantes (vingt-deux si le compte est juste dont Cole Swensen, Norma Cole, Barbara Einzig, B. Mayer, Lee Ann Brown, Lisa Jarnot, Lyn Hejinian, Susan Howe, etc.) Sa Pelouse du tiers exclu (traduction de Marie Borel), qui reprend à la logique formelle qu’une proposition est soit vraie, soit l’est sa négation, nous introduit pourtant dans d’autres logiques de perceptions, aussi justes qu’elles sont hallucinantes de précision et de beauté. Un V6 vrombit avec ses cliquetis de bielles chromées dans la haie de ce livre si bien qu’y être à l’écoute d’un coup de hache vous fend le crâne en deux (Emily Dickinson) : « Quand je dis que je crois que les femmes ont une âme dont la substance contient deux anneaux de carbone l’application de l’image au premier plan est difficile à retrouver là où les couloirs se perdent en sacrifice rituel et saignement caché ». À la seconde page, il est écrit : « J’ai mis une règle dans mon sac quand j’ai entendu les hommes parler de leur sexe. Il existe alors des mesures exactes et un interstice poisseux entre col et cou. Une chose est de s’inscrire dans le miroir, une autre de reprendre son image et faire passer ses erreurs pour de l’objectivité. (…) Pourtant l’oeil est une caméra, espace pour tout ce qui peut entrer, comme un cylindre s’appelle plénitude de l’espace creux ». Les trois premiers titres de Format américain avaient des couvertures typographiques (sans image) : le premier de l’aventure, traduit par Pierre Alferi, signe annonciateur, proposait de lire la version française d’Un langage de New York d’Oppen. Le deuxième, traduit par le même poète, au titre limpide de Prenez- en cinq nous faisait découvrir Julie Kalendek : une capture écran, en troisième page, y montre les doigts d’une main qui, avec pudeur, cache le haut d’un visage, c’est déjà ici tout un programme de simplicité que ses mots allaient affirmer, puissamment : « Voici mes doigts./ Intraitable élégie.// Nous aspirons le minimum. Prenons/ trop peu sans doute, et oublions.// Le manque a l’avantage du beau.// Voici mes doigts. Je pense :/ Il y en a trop. » Juste assez ici, pour tourner des pages infinies.
Emmanuel Laugier

ALCA dans Agence ALCA a écrit:

Mille cent vingt pages. Une folie. Petite, douce, c’est comme on veut. Et à l’arrivée : un très épais volume que proposent les éditions bordelaises de l’Attente. Comme un zibaldone poétique. La somme exhaustive d’un travail de bénédictin mené entre 1993 et 2006.

Thierry Guinhut dans BLOG a écrit:

Certes la chose n’est pas bilingue ; elle est assez volumineuse pour sans cesse intriguer et surprendre, car, cela n’est pas anodin, il compte 22 poétesses. L’ouvrage - dans lequel « le monde ressemble à l’écriture », selon Abigail Child - s’ouvrant au hasard, ou se dépliant en cinquante journées de petites lectures, il est une sorte de boite au bric-à-brac et aux trésors, toujours curieux, parfois angoissants, parfois lyriques, interrogeant souvent la poésie elle-même sur ses destinées et ses légitimités, comme il se doit en toute éthique et esthétique.


À propos de l’auteur

(Dessin © Ippy Patterson)
Juliette Valéry a fondé et dirigé, de 1993 à 2006, la collection Format Américain / Un bureau sur l’Atlantique. Elle a aussi publié des livres en collaboration avec Emmanuel Hocquard, des contributions (textes et / ou photographies) à des revues et à des catalogues d’artistes. Elle enseigne à l’École supérieure d’art et de design des Pyrénées – Tarbes.


Les carrés de Rima

par Marie Rousset

Couverture d’ouvrage : Les carrés de Rima
Fiche technique :Prix: 8,00 €
ISBN : 978-2-36242-098-6
Taille : 12,00 x 16,50 cm
Pages : 82

Récit méditatif

Sous l’avalanche des discours politiques, des médias et des fictions en séries, une réflexion méditative et salvatrice sur les mots et le silence. Quand la parole défaille, les mots s’évadent du dictionnaire. Grammaire et syntaxe sont un territoire infini et en perpétuel mouvement dans lequel Rima s’aventure. Dans un éloge du lâcher-prise, elle y randonne, s’arrête, chute, s’étire, se pose et repart. Ici les mots résonnent différemment, à la recherche d’intonations inouïes.

 

Lecture d'un extrait par l'autrice, accompagnée du musicien Dédé Brousset

Extrait :

(p.8-9) :
elle avait pris l’habitude d’être dans le silence. cela lui était arrivé juste après que le monde l’ait accablée de trop de mots. qui ne disaient rien. elle avait mal aux mots et les mots avaient pris froid sous l’air glacial des discours politiques. le silence lui paraissait être un bon remède. sans raison tangible toutefois. nous pensons communiquer mais à vrai dire peu de personnes disent vraiment quelque chose. et peu de gens écoutent véritablement. ceci ressemble à des nèfles qui lézardent dans une gelée opalescente. des vieux clous dans la poussière, des barbouillages faits par distraction en parlant au téléphone. elle entend parfaitement ce peu de chose. un lifting de l’âme lui serait nécessaire pour rajeunir ses nuits passées à transcrire le monde. une sphère peuplée d’inouï effleure et flotte devant son iris. elle la dessine sur des feuilles A4 blanches en traits noirs et secs.

Critiques :Béatrice Machet dans Blog Terre à ciel a écrit:

Voilà un livre d’intelligence et de sensibilité, un ouvrage tout à fait dans la continuité de la production de Marie Rousset qui signe sa sixième collaboration avec les éditions de l’attente, et depuis son , peut-être jusqu’à ses carrés de Rima , elle suit un fil rouge jusqu’à faire œuvre. Et elle nous embarque à chaque fois pour une sorte d’initiation.


À propos de l’auteur

(Photo Régis Nardoux)
Marie Rousset est née en 1954, à Clermont-Ferrand où elle vit et travaille. En 1988, elle se forme en tant qu’éducatrice spécialisée. L’année suivante, elle part vivre et travailler en Angleterre jusqu’en 1990. En 1996, elle intègre l’association L’Offre Spéciale, avec Emmanuelle Pireyre (écrivain) et Olivier Bosson (cinéaste). Membre depuis d’un groupe de réflexion sur la littérature et la poésie, elle anime des ateliers de découverte de la poésie contemporaine, à destination de jeunes autistes, des jeunes des centres de détention et à destination également des collèges et lycées.

Bibliographie

Les carrés de Rima, L’Attente, à paraître en 2021 • RomaRome, La Passe du Vent, 2019 • Grammaires d’un tourment, Le Frau, 2016 • Conversation avec les plis, L'Attente, 2013 • Vibration des silences, Le Frau, 2012 • Bobcat, Color Gang, 2010 • Petit f n’est pas grand F, L'Attente, 2010 • L’ordinaire d’un imagidé, L'Attente, 2006 • petit balai, L'Attente, 2005 • , peut-être, L'Attente, 2002 • Vingt poussières, L’Escalier de poche, 1997 (épuisé) /// En revue • "Conversation avec les plis", revue Ligne 13, n°1 « Tirer un trait », 2010


Remerciements

par Guy Bennett

Retour aux sources

Tel un pisteur dans la jungle des causes à effet, Guy Bennett nous ouvre un chemin à la fois instructif et drôlatique dans la nébuleuse du processus créatif. En faisant un livre entier de ce qui n’est habituellement qu’un ajout empreint de politesse et de gratitude à la fin d’un ouvrage, il nous dévoile non sans humour ses réponses à des questions cruciales. Qu’est-ce que l’inspiration ; quels signes, perçus à tel ou tel moment de sa vie, l’ont transformé ; quelles influences les mondes domestique, éducatif, culturel, etc. ont déterminé son devenir-écrivain…

 

Lecture d'un extrait par l'auteur

Parution :
Traducteurs :
Thématiques :
Extrait :

Extraits

(pages 8)

À ceux qui ont soutenu ce projet dès le début mais qui ont semblé s’en désintéresser par la suite : je comprends. À ceux qui ne le soutiennent toujours pas : idem. À ceux qui ne me connaissent peut-être pas, qui n’ont pas la moindre idée que j’ai écrit ce livre et qui ne le verront vraisemblablement jamais si un jour il est publié : je vous remercie quand même. Votre indifférence à mon sujet ainsi qu’à mon projet nous lie d’une façon qui me touche, me réconforte même.

(page 11)

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J’ai consommé d’innombrables doubles et triples expressos au cours de l’écriture de ce livre, et je n’aurais jamais pu les préparer aussi rapidement, aussi facilement et délicieusement sans les gens formidables de chez Rancilio, à qui je dois beaucoup pour leurs machines et moulins à café professionnels à usage domestique. Remerciements particuliers aux employés du Conservatory for Coffee, Tea & Cocoa (à Culver City), comme à ceux du Boy & The Bear (à Redondo Beach) pour leurs mélanges de café bio équitable fraîchement torréfié.

(page 63)

Je dois signaler également mon estime pour Jorge Luis Borges, dont les fictions ont anticipé deux truismes qui me sont chers et qui ont fini par marquer notre époque : 1) que la « frontière » entre le réel et sa représentation est elle-même un topos qui vaut la peine d’être exploré et subverti, et 2) que la miniature en littérature peut abriter des concepts aussi vastes que ceux explorés dans les récits épiques du passé. Son Histoire universelle de l’infamie, « Tlön, Uqbar, Orbis Tertius », « Pierre Ménard, auteur du Quichotte », « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », « Borges et moi », etc., non seulement rendent manifestes ces idées riches et stimulantes, mais laissent également entrevoir l’ampleur de la culture littéraire de leur auteur, que j’admire et à laquelle j’aspire.

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Critiques :Christian Rosset dans DIACRITIK a écrit:

"Dans Remerciements, on découvre beaucoup de noms. Si quelques-uns ne nous évoquent pas grand-chose, d’autres peuvent nous toucher d’assez près..." (extrait)

Jean-Philippe Cazier dans DIACRITIK a écrit:

"Guy Bennett remplace le central par le marginal, défait l’ordre commun du sens, de la lecture, de la valeur. Ce n’est pas que le centre a disparu, c’est sa marge qui le remplace, l’inessentiel devenant l’important." (extrait)

Alain Nicolas dans L'Humanité a écrit:

Guy Bennett, merci pour tout et pour rien


À propos de l’auteur

Guy Bennett est écrivain et traducteur. Il vit à Los Angeles, où il enseigne à Otis College of Art and Design. Remerciements est son quatrième livre traduit et publié en France.
Bibliographie (en français)
Remerciements, traduit de l'américain par Frank Smith et l'auteur, l'Attente, 2021
Œuvres presque accomplies
, traduit de l'américain par Frédéric Forte & l'auteur, l'Attente, 2018
Ce livre, traduit de l'américain par Frédéric Forte & l'auteur, l'Attente, 2017
Poèmes évidents
, traduit de l'américain par Frédéric Forte & l'auteur, l'Attente, 2015


Une enfance

par Dominique Fabre

Territoire de l'enfance
Avec le soutien du Centre national du livre

Une enfance passée en famille d’accueil, évoquée en filigrane dans les récits, nouvelles et romans de Dominique Fabre, est ici abordée de front, sans personnage prétexte, en "je" direct. Pas de mélo, pas de pathos pesant malgré la dureté du drame, l’abandon, les morts. L’humour désabusé et l’émerveillement candide qui caractérisent l’écriture romanesque de l'auteur se retrouvent dans sa poésie. Ainsi que ses thèmes de prédilection : la banlieue, la mélancolie attachante de la routine, les micro-évènements qui font chavirer le cœur… Avec son air de rien, "Une enfance" nous montre combien le monde adulte nous entrave, et combien le territoire de l’enfance reste libre en nous.
Lecture-teaser par l'auteur

Parution :
Thématiques :
Extrait :

Quand la tristesse monte / en moi / l’enfance réapparaît / enfance d’enfant placé / pièces sur les pantalons aux coudes / tout ce qui s’use trop vite / le bonnet qui serre aux oreilles / ma sœur aînée qui rit souvent / et je ne sais jamais pourquoi / les visiteurs du soir / ne sont pas les bienvenus / ils apportent les nouvelles / pénibles les papiers timbrés / les décès / certains vous aiguisent vos couteaux / ou avertissent du cirque / un petit cirque de ritals / crève-la-faim qu’on appelle chiffonniers / j’en ai déjà vu sur la route de Genève / autour d’un feu bleui / à la base ou au sommet / assis sur une cagette du genre / à mettre des vieux jouets / ou transporter le bois / tout ce temps passe et je m’oublie / le temps de me coucher / le temps de partir au travail / tandis qu’elle monte encore en moi / si ça se trouve / en toi aussi / peut-être / dis-moi comment tu fais / quand ça t’arrive hé dis / l’ami ?

Critiques :Zephirine dans Babélio a écrit:

La prose de Dominique Fabre se fait vers libres pour nous parler de cette enfance brinquebalée, solitaire et rêveuse, celle d'un enfant placé.
L'auteur nous livre des petits bouts de vie, son trait se fait léger pour raconter la dureté de l'abandon, l'incompréhension des adultes et la banlieue désabusée. Ce pourrait être profondément triste, c'est juste mélancolique avec un humour doux-amer.

Frédéric Lacoste dans Courrier de Gironde a écrit:

30/04/21 - Un entretien avec Dominique Fabre. (extraits)

C.G.: Comment s'est nouée votre collaboration avec les éditions de l'Attente et son directeur Franck Pruja?
D.F.: J'ai rencontré Franck dans un salon de la poésie. Ce que j’aime dans son catalogue, c’est qu'on y découvre un grand nombre de formes diverses, originales. Dans le contexte actuel de l'édition, mettre en valeur la poésie contemporaine est très méritant. C’est la deuxième fois que nous collaborons, puisque l’Attente avait déjà publié un de mes textes, "Les enveloppes transparentes".

C.G.: Vous êtes souvent présenté comme "l'écrivain de la banlieue", d'Asnières plutôt que Versailles. Comment jugez-vous l'évolution de la situation en banlieue au cours des dernières décennies?
D.F.: J'ai toujours vécu dans 'la petite ceinture’, comme on dit. Dans la Seine Saint-Denis, où j'habite, j'ai vu la boboïsation d'un côté et la ghettoïsation de l'autre. Auparavant, je vivais avec cette idée un peu folle qu'il pouvait exister une forme d'harmonie populaire. Aujourd'hui, je ne peut que faire le constat d'une scission, avec des mondes qui se côtoient mais qui ne se parlent pas.

C.G.: Pour quelles raisons dites-vous que votre livre, "Une enfance", sous-tend l'ensemble de votre œuvre?
D.F.: Je ne suis toujours pas débarrassé de l’enfance... Le fait d'avoir eu une enfance particulière, entre famille d'accueil et internat, m'avait quelque peu formaté. Dans ce recueil, j'ai voulu poser mon regard sur ce qui reste d'une enfance quand on a soixante ans. Bref, c'est un bilan. L’enfance est pour moi un réservoir d'innocence et d'émerveillement, dans lequel je ne peux m'empêcher de puiser quand le moral n'est plus vraiment là. D'où cette phrase : "Quand la tristesse monte en moi, l’enfance réapparaît." Et puis, l'enfant ne vit pas dans la même temporalité que l'adulte, engoncé dans d'innombrables codes ; il éprouve constamment le goût du jeu et connaît des moments de réelle plénitude dans ce temps qui est hors du temps.

Désirdelire dans Evelynes Sagnes a écrit:

Dans une forme qui s’apparente au vers libre, l’auteur évoque son enfance dans une tonalité douce-amère.


À propos de l’auteur

Dominique Fabre enseigne l’anglais dans un collège parisien. Il est l’auteur de quinze romans et recueils de nouvelles. Son roman «Fantômes» a été distingué par le Prix Marcel Pagnol (Le Serpent à plumes, 2001), et son recueil de nouvelles «Pour une femme de son âge» (Fayard, 2004) par la Bourse Thyde Monnier de la Société des Gens De Lettres. La critique a unanimement salué «J’aimerais revoir Callaghan» (Fayard, 2010) et «Il faudrait s’arracher le cœur» (L’Olivier, 2012).

Bibliographie

Une enfance, L'Attente, 2021 • Aujourd'hui, Fayard, 2021 • Les enveloppes transparentes, L'Attente, 2018 • Le grand détour, avec des photos de Charles Delcourt, Light Motiv, 2017 • Les soirées chez Mathilde, L’Olivier, 2017 • En passant (vite fait) par la montagne, Guérin, 2015 • La mallette, Cénomane, coll. « Mots-manbules », 2014 • Je t’emmènerai danser chez Lavorel, Fayard, 2014 • Photos volées, L’Olivier, 2014 • Des nuages et des tours, L’Olivier, 2013 • Il faudrait s’arracher le cœur, L’Olivier, 2012 • J’aimerais revoir Callaghan, Fayard, 2010 • Avant les monstres, Cadex, 2009 • Les prochaines vacances, Le Chemin de fer, 2008 • J’attends l’extinction des feux, Fayard, 2008 • Les types comme moi, Fayard, 2007 • Le perron, Cadex, 2006 • La serveuse était nouvelle, Fayard, 2005 • Pour une femme de son âge, Fayard, 2003 • Mon quartier, Fayard, 2002 • Fantômes, Le Serpent à plumes, 2001 • Celui qui n’est pas là, Le Serpent à plumes, 1999 • Ma vie d’Edgar, Le Serpent à plumes, 1998 • Moi aussi un jour j’irai loin, Maurice Nadeau 1995, Points 2012